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Une infiltration de corticostéroïdes associée à des exercices ou les exercices seuls complètent-ils l’effet des conseils adressés aux patient·e·s associés au port d’une talonnette dans les cas de fasciapathie plantaire ? Essai clinique randomisé

Une analyse de Ian Griffiths info

POINTS CLÉS

  1. La prescription d’exercices n’est peut-être pas essentielle pour les personnes souffrant de fasciapathie plantaire.
  2. L’utilisation d’infiltrations de corticostéroïdes n’a pas été associée à de meilleurs critères de jugement dans cette étude.
  3. Rien ne prouve que des traitements autres que l’utilisation de talonnettes, la pratique régulière d’une activité physique et la réduction des activités aggravant la douleur soient nécessaires au départ pour les personnes souffrant de fasciapathie plantaire.

CONTEXTE ET OBJECTIFS

La fasciapathie plantaire (fréquemment appelée fasciite plantaire ou douleur plantaire au talon) est le problème de surutilisation le plus courant affectant le pied (1). Malgré cela, aucune conclusion ferme n’a été arrêtée concernant les traitements les plus efficaces (2).

Morrissey et al. ont récemment élaboré un guide des meilleures pratiques (3), qui a reconnu l’absence d’ECR solides concernant l’infiltration de corticostéroïdes et les exercices de renforcement en résistance, bien qu’ils soient souvent utilisés en clinique. Faute de qualité suffisante, la revue systématique de l’article de Morrissey et al. n’incluait aucun article publié concernant le renforcement musculaire en résistance.

Malgré cela, toute une génération de clinicien·ne·s prescrit des exercices de renforcement musculaire avec des charges élevées aux personnes souffrant de fasciapathie plantaire, de toute évidence sur la base d’un article clé suggérant que les critères de jugement de l’indice de fonction du pied étaient supérieurs après trois mois d’exercices de renforcement musculaire par rapport aux étirements (les deux groupes portant également une talonnette) (4). Cependant, il s’agissait d’une petite étude (n = 48) et il convient de noter qu’aucune différence n’a été constatée entre les groupes à 6 et 12 mois.

L’objectif de cette étude était de déterminer si le renforcement musculaire était un complément valable aux conseils et au port de talonnette pour les patient·e·s souffrant de fasciapathie plantaire, puis d’étudier si l’ajout d’une infiltration de corticostéroïdes à ces trois interventions apportait un quelconque bénéfice supplémentaire.

La fasciapathie plantaire est considérée comme le problème de surutilisation le plus courant affectant le pied.
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Ce qui est clair, c’est que l’éducation et les conseils aux patient·e·s sont importants, et cela est conforme aux recommandations de bonnes pratiques pour la douleur plantaire au talon qui suggèrent également qu’ils doivent être individualisés.

MÉTHODE

Cette étude est un essai randomisé avec trois groupes (détaillés ci-dessous) et a été conçue en simple aveugle (car il n’était pas possible d’aveugler les patient·e·s). Des personnes souffrant d’une fasciapathie plantaire confirmée par échographie ont été recrutées (n = 180) et réparties de manière aléatoire dans l’un des trois groupes :

Groupe PA (n = 62) : conseils aux patient·e·s, talonnette

Groupe PAX (n = 59) : conseils aux patient·e·s, talonnette, exercices

Groupe PAXI (n = 59) : conseils aux patient·e·s, talonnette, exercices, infiltration de corticostéroïdes

Les critères d’inclusion étaient : une douleur au talon apparue il y a plus de trois mois, une douleur à la palpation du tubercule calcanéen médial, une épaisseur du fascia plantaire > 4 mm à l’échographie et une douleur moyenne > 3/10 sur une échelle visuelle analogique. Les critères d’exclusion étaient les suivants : être âgé de moins de 18 ans, souffrir de maladies systémiques telles que le diabète, la polyarthrite rhumatoïde ou la spondylarthrite, avoir déjà subi une intervention chirurgicale au niveau du talon, avoir déjà reçu une infiltration de corsticostéroïde pour une douleur au talon au cours des six mois précédents, présenter une raideur de l’articulation du gros orteil susceptible d’empêcher la réalisation d’exercices, ou avoir apporté des modifications substantielles aux soins habituels au cours des quatre dernières semaines (par exemple, avoir commencé à utiliser des semelles orthopédiques ou avoir modifié son niveau d’activité).

Chacune des interventions se présentait ainsi :

Conseils aux patient·e·s : informations orales et dépliants, comprenant des informations sur la pathologie, les facteurs de risque et la gestion de la charge.

Talonnette : talonnette en silicone (MediDyne Healthcare) à porter avec des chaussures.

Exercices : élévation du talon avec les orteils en flexion dorsale sur une serviette enroulée, selon le protocole de Rathleff et al. (4) avec une charge aussi lourde que possible pour atteindre un maximum de huit répétitions avec autant de séries que possible, séparées par des pauses de 2 min entre les séries (voir vidéo).

EXERCICES POUR LA FASCIAPATHIE PLANTAIRE https://youtu.be/SkwscY-Nwqg

Infiltration : une infiltration de corticostéroïdes radioguidée (1 ml de triamcinolone 20 mg/ml et 1 ml de lidocaïne 10 mg/ml) réalisée par un·e rhumatologue expérimenté·e, selon une approche médiane.

Certaines des caractéristiques initiales des patient·e·s par groupe sont présentées dans le tableau.

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Le critère de jugement principal de l’étude était le domaine de la douleur du questionnaire FHSQ (Foot Health Status Questionnaire), dont le score s’étend de 0 (le pire score possible) à 100 (le meilleur score possible) à 12 semaines. Ce critère de jugement a été évalué au début de l’étude et à 12 semaines lorsque les patient·e·s se sont présenté·e·s à l’hôpital. Il a également été évalué aux semaines 4, 26 et 52 par le biais d’un questionnaire envoyé par courrier électronique.

RÉSULTATS

Le changement dans le domaine de la douleur du questionnaire FHSQ aux différents moments dans les groupes est indiqué dans le tableau ci-dessous, sous forme de moyenne (SD). Rappelons que la différence minimale importante du domaine de la douleur est de 14,1 points (5).

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Le dernier tableau ci-dessous présente les différences moyennes ajustées (IC à 95 %) entre les groupes :

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À 12 semaines, la seule différence statistiquement significative était observée entre les groupes PA et PAXI, en faveur du groupe PAXI, sans qu’aucune différence significative ne soit constatée entre PA et PAX ou PAX et PAXI.

Sur 52 semaines, une différence statistiquement significative a également été détectée entre PA et PAXI, mais aucune entre PA et PAX ou PAX et PAXI.

Cependant, malgré ces différences statistiquement significatives identifiées entre PA et PAXI, la différence moyenne entre ces groupes n’a jamais dépassé la différence minimale importante, ce qui peut remettre en question la signification clinique de ces résultats.

LIMITES

L’étude a été réalisée en simple aveugle en raison de la nature des interventions. Il convient de noter qu’environ un tiers des patient·e·s n’ont pas répondu aux questionnaires des semaines 26 et 52, ce qui peut influencer la puissance des résultats à long terme.

En outre, la démographie des participant·e·s à cette étude doit être prise en compte lors de la généralisation des résultats à l’ensemble de la population ; cette étude était essentiellement composée de personnes âgées d’environ 50 ans et dont l’indice de masse corporelle était d’environ 30. Il convient donc de faire preuve de prudence si l’on extrapole ces résultats à des populations très différentes (par exemple, les athlètes).

IMPLICATIONS CLINIQUES

Les trois groupes ont présenté des améliorations cliniquement significatives du critère principal de jugement après 12 semaines, mais aucune différence pertinente d’un point de vue clinique n’a été observée entre les trois approches thérapeutiques. Cela indique que les exercices ou les infiltrations n’ont pas d’effet supplémentaire par rapport à de simples conseils et au port d’une talonnette.

Ce qui est clair, c’est que l’éducation et les conseils aux patient·e·s sont importants, et cela est conforme aux recommandations de bonnes pratiques pour la douleur plantaire au talon qui suggèrent également qu’ils doivent être individualisés (3). Des travaux antérieurs ont donné quelques recommandations aux clinicien·ne·s lorsqu’iels décrivent la douleur plantaire au talon afin d’éviter d’invoquer une menace ou d’avoir un impact sur l’expérience de la douleur du/de la patient·e (6). Parallèlement à cette éducation, le port de talonnettes (ou de chaussures ou d’orthèses plantaires appropriées) semble évidemment raisonnable.

Cette étude suggère qu’en moyenne, les exercices de renforcement musculaire n’apportent pas grand-chose. Toutefois, cela ne signifie pas que nous ne devrions pas les utiliser, mais simplement qu’ils ne sont peut-être pas indispensables. C’est à nous de décider s’ils seront inclus dans la prise en charge multimodale de la douleur au talon pour un individu donné, et cela pourrait (et devrait probablement) faire partie d’un processus de prise de décision partagée.

+RÉFÉRENCES

Riel H, Vicenzino B, Olesen J, Jensen M, Ehlers L, Rathleff M (2023) Does a corticosteroid injection plus exercise or exercise alone add to the effect of patient advice and a heel cup for patients with plantar fasciopathy? A randomised clinical trial. British Journal of Sports Medicine, Published Online First.

RÉFÉRENCES CITÉES

  1. Sobhani, S., Dekker, R., Postema, K., & Dijkstra, P. U. (2013). Epidemiology of ankle and foot overuse injuries in sports: a systematic review. Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports, 23(6), 669-686.
  2. Babatunde, O. O., Legha, A., Littlewood, C., et al. (2019). Comparative effectiveness of treatment options for plantar heel pain: a systematic review with network meta-analysis. British Journal of Sports Medicine, 53(3), 182-194.
  3. Morrissey, D., Cotchett, M., J'Bari, A. S., et al. (2021). Management of plantar heel pain: a best practice guide informed by a systematic review, expert clinical reasoning and patient values. British Journal of Sports Medicine, 55(19), 1106-1118.
  4. Rathleff, M. S., Mølgaard, C. M., Fredberg, U., et al. (2015). High‐load strength training improves outcome in patients with plantar fasciitis: A randomized controlled trial with 12‐month follow‐up. Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports, 25(3), 292-300.
  5. Landorf, K. B., & Radford, J. A. (2008). Minimal important difference: values for the foot health status questionnaire, foot function index and visual analogue scale. The Foot, 18(1), 15-19.
  6. McGrath, R. L., Murray, A., Maw, R., & Searle, D. (2022). 'Collapsed arches', 'ripped plantar fasciae', and 'heel spurs': The painful language of plantar heel pain. New Zealand Journal of Physiotherapy, 50(2), 58-63.
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