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- 2020 Issues
- Numéro 11
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Application de la psychologically informed practice : observations du travail de kinésithérapeutes expérimentés avec des personnes souffrant de douleurs chroniques
POINTS CLÉS
- La Psychologically informed practice (PIP) [pratique prenant en considération les aspects psychologiques] effectuée par des kinésithérapeutes est recommandée pour la prise en charge de la douleur persistante.
- Les thérapeutes identifient fréquemment le besoin d'une définition des compétences clés en PIP.
- Les thérapeutes ressentent qu'il y a besoin de plus de formations en PIP.
- Il y a un manque d'applications cliniques pour le kinésithérapeute dans la littérature.
CONTEXTE ET OBJECTIFS
Une prise en considération des aspects psychologiques dans la pratique [psychologically informed practice (PIP)] peut permettre de combler le vide entre les modèles de soin traditionnels biomédicaux et psychosociaux pour les kinésithérapeutes qui travaillent avec des personnes souffrant de douleurs persistantes. La prise en charge de la douleur chronique engloutit une part importante des ressources du système de santé, d'où l'objectif de promouvoir l'auto-gestion. Les recommandations actuelles recommandent la PIP en parallèle de la kinésithérapie pour aider à l'auto-gestion. D'autres modèles de changements comportementaux existent, cependant la majorité du travail sur ces compétences se concentre sur la TCC (thérapie comportementale et cognitive) (1,2,3). Cette étude cherche à identifier ce que quatre kinésithérapeutes expérimentés, avec un accent particulier sur la TCC, font réellement dans cette pratique répondant aux critères de la PIP.
Les kinésithérapeutes devraient concentrer leurs efforts sur le soutien et l'implication du patient dans son auto-gestion.
MÉTHODE
Quatre kinésithérapeutes de la NHS à Londres, expérimentés dans la prise en charge de la douleur persistante ont été recrutés. Ils avaient tous au moins 5 ans d'expérience, notamment une formation en TCC et d'autres modalités de PIP. Tous ont supervisé des séances d'exercices en groupe sur plusieurs semaines, qui comportaient des exercices de renforcement, des étirements et de l'éducation.
Collecte des données – Des enregistrements vidéo et audio des expressions faciales, des mouvements corporels et des comportements expressifs [expressive behaviours] des thérapeutes ont été effectués. Ces enregistrements ont été évalués par un psychologue et un kinésithérapeute afin d'en établir leurs intentions lors de la transcription. Les transcriptions ont ensuite été analysées de manière thématique pour les comparer avec les compétences définies en TCC.
RÉSULTATS
Le codage a identifié 112 comportements et intentions qui ont ensuite été regroupés en quatre thèmes, comme présentés dans la figure 1.
LIMITES
L'analyse qualitative est toujours sujette à des biais inconscients. Il est possible que les thérapeutes aient adapté leur comportement habituel pour mettre en valeur des compétences en TCC. Une taille de l'échantillon de 4 thérapeutes est par ailleurs faible.
IMPLICATIONS CLINIQUES
Les efforts de cette étude sont tout à fait louables, car elle a cherché à identifier les comportements cliniques réels de kinésithérapeutes expérimentés qui travaillent dans un contexte de prise en considération des aspects psychologiques / de la TCC. Les lecteurs sont encouragés à lire les dialogues dans le texte complet de cette étude.
Les stratégies utilisées en pratique par les thérapeutes dans chaque thème sont décrites ci-dessous. Il est recommandé d'appliquer ces stratégies dans votre pratique clinique le cas échéant.
Thème 1 : construire une alliance thérapeutique
Comporte tout comportement qui cherche à impliquer le patient et à établir une confiance, notamment :
- Répéter les mots des patients pour en modifier ou accentuer les points importants
- Copier ou montrer un mouvement
- Utiliser un langage inclusif
- Comportement non-verbal
- L'humour
Thème 2 : réduire la menace perçue
- Établir des objectifs
- Résoudre les problèmes
- Surveiller l'activité
Sous thèmes :
- Normaliser les sensations somatiques :
- Réinterpréter les symptômes pour les rendre non menaçants
- Se focaliser sur les aspects positifs et les sensations
- Rappeler l'usage du contrôle de la respiration
- Le thérapeute reste relaxé dans sa prosodie et ses manières
- Faire coïncider la demande à la tolérance du patient :
- Proposer des options et des modes d'exercices individualisés
- Encourager les pauses pour atténuer l'anxiété et améliorer globalement la participation
Thème 3 : reconceptualiser les croyances et l'expérience somatique
- Aider le patient à identifier et à modifier les idées et les règles qui n'apportent rien
- Expérience comportementale : planifier et réaliser des tâches pour identifier les barrières à l'activité
Sous-thèmes
- Utiliser le comportement pour influencer les croyances :
- Utiliser ce qui vient de se passer sur le moment pour améliorer la compréhension du patient
- Illustrer les comportements
- Mettre en place des expériences comportementales pour démontrer des principes
- Proposer des stratégies alternatives pour atteindre le même but, mais avec des moyens différents
- Des séquences d'exercices d'attention focalisée [guided attention]
- Enregistrer et faire une réflexion sur l'activité
- L'engagement des kinésithérapeutes dans les croyances et la modification de ces croyances :
- Une approche directe rappelant les faits
- Reformuler une question ou une inquiétude pour en discuter
- Demander ce qui est source d'inquiétude
- Donner des informations sur les options comportementales et leurs conséquences
- Négocier les objectifs et les attentes
- Résumer ce qui a été appris durant la séance
- Répéter les concepts clés
- Reconnaitre la réussite :
- Enregistrer l'activité/l'exercice pour mettre l'accent sur la réussite
- Focaliser l'attention sur les mouvements améliorés
- Rappeler au patient les objectifs à court terme
Thème 4 : faire germer l'auto-efficacité
- Mettre l'accent sur l'implication et le soutien au patient pour qu'il s'auto-gère
Sous-thèmes
- Trouver une solution aux obstacles à l'activité
- Résoudre le problème avec le patient
- Se concentrer sur l'expérience et non sur la performance
- Modeler des changements comportementaux vers la mise en place d'activités :
- Encourager tout mouvement et pas forcement le mouvement 'correct'
- Montrer les exercices
- Éviter trop de consignes pour l'exercice
- Résister à la tentation de répondre aux demandes de prescription d'exercices
- Assister le patient dans la prise de décision individuelle quant à l'activité
- Rythmer les étirements en comptant les respirations
- Encourager l'autonomie du patient :
- Réduire le contact visuel pour réduire la dépendance du patient à la supervision
- S'écarter du patient
- Changer de sujet ou commencer une autre conversation
- Décider quand il faut expliquer et quand être silencieux
- Rappeler au patient les objectifs à court-terme
- Demander au patient de diriger certaines parties de la séance
- Encourager l'attribution à lui-même de la réussite :
- Le thérapeute fait un retour positif au groupe
- Enregistrer l'activité
- Faire une pause pour établir une réflexion sur ce qui a été réussi
- Faire un retour sur les tâches difficiles
Globalement, l'objectif principal de la PIP est d'engendrer des changements comportementaux et des croyances, ce qui peut améliorer la capacité du patient à s'auto-gérer. La réflexion du thérapeute est aussi une partie importante de la PIP et peut nécessiter l'accès à une formation continue ou à un mentorat. La référence 1 comporte une liste intéressante d'articles de bonne qualité pour les thérapeutes qui s'intéressent à ce sujet.
+RÉFÉRENCES
RÉFÉRENCES CITÉES
- Keefe FJ, Main CJ, George SZ. (2018). Advancing psychologically informed practice for patients with persistent musculoskeletal pain: promise, pitfalls, and solutions. Phys Ther. 98: 398–407.
- https://www.ucl.ac.uk/pals/research/clinical-educational-and-health-psychology/research-groups/core/competence-frameworks-2
- Main CJ, George SZ. (2011). Psychologically informed practice for management of low back pain: future directions in practice and research. Behav Res Ther.;91:1–25.