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- 2021 Issues
- Numéro 15
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La douleur ne se limite pas aux lésions tissulaires : huit principes pour guider la prise en charge de la douleur aigüe non traumatique dans le sport
POINTS CLÉS
- Il y a un écart entre ce que l'on sait de la douleur et la façon dont la douleur non traumatique est décrite aux athlètes.
- En l'absence de traumatisme ou de lésion tissulaire, la douleur chez un athlète est encore communément appelée blessure.
- L'application d'un nouveau paradigme pour la gestion de la douleur présente de multiples obstacles.
- La mise en œuvre de ces changements nécessitera un changement dans la gestion de la douleur dans le sport et la médecine du sport.
CONTEXTE ET OBJECTIFS
Les blessures surviennent lorsque les contraintes sur les tissus ou les articulations sont supérieures à la capacité des tissus à gérer cette contrainte. Dans le sport, cette blessure peut être traumatique avec un mécanisme lésionnel clair. Cependant, il peut également y avoir de la douleur là où aucun traumatisme clair ne s'est produit. La prise en charge de ces blessures non traumatiques demeure un problème ; il y a une incompréhension persistante de la nature de la douleur et certains continuent de croire que s'il y a douleur c'est qu'il y a forcément une lésion sur le site de la douleur.
Pour répondre au besoin de formation à tous les niveaux (athlètes, entraineurs, préparateurs, médecins), les auteur∙rice∙s de cet éditorial ont proposé un ensemble de principes à utiliser comme directives de traitement et d'éducation. L'adoption mondiale de ces principes modifierait considérablement l'allocation des ressources et la prise en charge dans le sport.
Adopter ces principes peuvent aider à réduire les répercutions de la douleur et prolonger la participation au sport.
MÉTHODE
Il s'agit d'un éditorial accompagné d'une infographie conçue pour être partagé facilement au sein des établissements et des organisations afin d'encourager des soins coordonnés et un cadre commun de prise en charge.
RÉSULTATS
Les auteur∙rice∙s ont proposé 8 principes pour guider la prise en charge :
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En l'absence de traumatisme, ne supposez pas que la douleur indique une lésion tissulaire.
- La douleur sans pathologie ou traumatisme identifié ne doit pas être appelée lésion tissulaire ; utilisez des termes tels que «douleur du genou» au lieu de faire référence à des lésions.
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Ne pas orienter vers une imagerie sauf en cas de suspicion d'une pathologie grave ou lorsque l'imagerie influence directement les soins.
- Il est souvent retrouvé à l'imagerie des changements structurels non pertinents qui peuvent être mal interprétés comme la cause de la douleur. Des précautions doivent être prises lors de l'explication des résultats d'imagerie.
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Explorez les facteurs biopsychosociaux qui peuvent contribuer à la douleur.
- Tous les facteurs contribuant à la santé sont importants dans la prise en charge d'une personne souffrant de douleur, comme le sommeil, la santé mentale, les horaires d'entrainement et les niveaux de soutien. Utiliser une communication centrée sur le∙la patient∙e aide à trouver la signification de la douleur pour cet·te athlète.
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Transmettez des messages positifs sur la douleur pendant l'examen et le traitement.
- Un langage positif et plein d'espoir réduit la menace de la douleur. Par exemple, définissez la douleur comme une sensibilité tissulaire plutôt qu'une lésion tissulaire.
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Améliorez la tolérance des tissus à la charge.
- Exposition au mouvement et à la charge. Renforcez la résilience mentale et physique.
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Utilisez des traitements passifs uniquement en complément d'une prise en charge active.
- Les traitements passifs sont utiles pour le soulagement à court terme et ne doivent pas être un traitement autonome.
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Utilisez la prise de décision partagée pour renforcer le sentiment d'efficacité personnel.
- Encouragez les athlètes à être actif·ve·s dans leur prise en charge et à bien la comprendre.
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Utilisez une approche interdisciplinaire pour dispenser un message homogène.
- Des messages cohérents au sein de l'ensemble des clinicien∙ne∙s et des coachs contribuent à renforcer la confiance.
LIMITES
La science de la douleur et la meilleure façon de la traiter continuent d'évoluer. Malgré l'enthousiasme suscité par le modèle éducatif «expliquez la douleur», il n'a pas été démontré que c'était une approche solide lors de tests versus groupe témoin dans la douleur de dos (1).
Bien que le choix et le sentiment d'efficacité du∙de la patient∙e se doivent d'être respectés (2), c'est un défi institutionnel de réussir à limiter les séances et à obtenir une plus grande indépendance. Les incitations financières à continuer les soins et les compléments passifs constituent une autre barrière. Sortir d'habitudes institutionnelles et éducatives dépassées reste également un défi (3).
Les informations sur la meilleure façon de traiter la douleur continueront d'évoluer à mesure que les preuves progresseront. Les clinicien∙ne∙s se doivent d'adapter en continu leurs techniques et explications afin d'être en phase avec l'évolution des connaissances. Les recommandations de cet article sont suffisamment larges pour évoluer à mesure que de nouvelles preuves émergent.
IMPLICATIONS CLINIQUES
Les auteur∙rice∙s de cet article fournissent de bons exemples de la manière dont les recommandations peuvent être utilisées pour changer le langage autour du traitement de la douleur non traumatique dans le sport. Ces exemples sont appropriés pour tous les types de douleur, car ils mettent en évidence la nature de la douleur elle-même, quel que soit l'emplacement de la douleur ou le niveau de compétence de la personne qui ressent cette douleur. Ceux-ci sont aussi appropriés dans un environnement sportif que dans un service orthopédique de consultation de jour, un programme d'aide à la reprise du travail, un programme de santé pelvienne ou un centre de rééducation pour patient∙e∙s hospitalisé∙e∙s.
Les concepts exposés dans ce document devraient constituer la base des programmes de formation et fournir une feuille de route pour tendre vers des soins de qualité. Ils encouragent également la créativité et l'individualisation de la conception des programmes. Ceci est utile pour développer le sentiment d'efficacité personnel du∙de la patient∙e et pour garder les clinicien∙ne∙s et les formateur∙rice∙s engagé·e·s, car cela évite les recettes toutes faites qui ne correspondent à personne et l'ennui que l'application de ces dernières peuvent susciter.
Comme le disent les auteur∙rice∙s, l'adoption de ces principes exigerait un changement culturel. Il faut saluer ce travail qui peut aider à réduire les répercutions de la douleur et prolonger la participation au sport et ainsi promouvoir une meilleure santé globale. Et cela en vaut la peine !
+RÉFÉRENCES
RÉFÉRENCES CITÉES
- Traeger, A., Lee, H., Hübscher, M., Skinner, I., Moseley, G., Nicholas, M., Henschke, N., Refshauge, K., Blyth, F., Main, C., Hush, J., Lo, S. and McAuley, J., 2019. Effect of Intensive Patient Education vs Placebo Patient Education on Outcomes in Patients With Acute Low Back Pain. JAMA Neurology, 76(2), p.161.
- Saragiotto, B., Maher, C., Yamato, T., Costa, L., Menezes Costa, L., Ostelo, R. and Macedo, L., 2016. Motor control exercise for chronic non-specific low-back pain. Cochrane Database of Systematic Reviews,
- Powers, B., Jain, S. and Shrank, W., 2020. De-adopting Low-Value Care. JAMA,. Published online October 02, 2020. doi:10.1001/jama.2020.17534