Point de vue – les effets nocebo et la suggestion négative en pratique clinique quotidienne : ses différentes formes, son impact et les approches pour les éviter

Une analyse de Sam Spinelli info

POINTS CLÉS

  1. Une grande partie de nos résultats thérapeutiques sont associés à des effets placebo et nocebo. Les ignorer pourrait réduire les bénéfices pour nos patients, mais aussi leur causer du tort.
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LE POINT DE VUE DE LA REDACTION

En santé, nous cherchons à optimiser nos résultats et faire le moins de mal possible. On n'applique ce concept à nos interventions, mais nous oublions souvent de considérer les effets placebo et nocebo. Traditionnellement, on pensait que l'effet placebo était le résultat de l'administration d'un médicament inactif ou d'une intervention factice. Nous savons maintenant que l'effet placebo a un plus grand impact que prévu. Celui-ci est attribué à plusieurs facteurs, tels que la communication, l'attention, la manière de mener un entretien, la sécurité, le confort et le sens des mots (1). Nous avons de plus en plus de preuves qui montrent l'impact de ces facteurs : des études sur des chirurgies placebo peuvent avoir des effets similaires à des chirurgies standards. Même s'il on dit à un patient qu'il prend un médicament inactif, selon la manière de communiquer il peut tout de même y avoir une réponse physiologique. Bien d'autres exemples pourraient être cités (1).

l'effet placebo est attribué à plusieurs facteurs, tels que la communication, l'attention, la manière de mener un entretien, la sécurité, le confort et le sens des mots.
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Les symptômes peuvent être provoqués, empirés, ou ressentis négativement par notre choix de mots et par notre méthode de communication.

L'effet nocebo peut être décrit comme l'opposé du placebo : au lieu d'obtenir la réponse désirée, on déclenche des effets négatifs et des effets secondaires. Ces résultats proviennent des mêmes facteurs mentionnés auparavant pour le placebo, ce qui mène à penser que s'il y a placebo, il y a aussi un effet nocebo (1).

Si vous deviez sélectionner le médicament à prendre parmi les trois mentionnés sur le graphique 1, la plupart des gens sélectionneraient l'option du milieu, car elle dispose du meilleur effet analgésique avec comparativement le moins d'effets secondaires.

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Ce qui est intéressant c'est que le médicament du milieu est un placebo. Non seulement il a un effet sur la réduction de la douleur, mais il peut aussi avoir des effets secondaires similaires à une vraie molécule avec un principe actif. Ces symptômes ne sont pas le fruit de l'imagination des patients. Ils sont très fortement impactés par les mots, les connotations et la signification du discours tenu par le professionnel sur les résultats escomptés. La manière dont on exprime quelque chose au patient peut être source d'une attente négative, ce qui aura des conséquences sur les résultats actuels et futurs (1).

C'est dans la nature humaine d'utiliser nos expériences passées pour créer nos attentes futures. Cependant cela peut devenir un cercle vicieux et devenir une prophétie auto-réalisatrice. Quand un patient nous annonce qu'il est indéniable qu'il va de toute façon toujours se réveiller avec un mal de dos et qu'il est constamment dans la négativité, il en résulte une 'programmation' encore plus négative. Un des aspects de notre rôle de thérapeute est de casser ce cercle vicieux et de mettre en exergue les situations où ce n'est pas le cas. Nous pouvons faire cela en utilisant des techniques telles que l'effet miroir et l'utilisation de questions ouvertes [w- questions], comme par exemple 'je comprends que vous vous leviez souvent le matin avec une douleur au dos, y-a-t-il des moments où vous vous levez sans douleur ?'. Cela peut aider à redéfinir les attentes.

Il est important d'éviter de générer de nouvelles attentes négatives, car si l'on commence à s'attendre à faire l'expérience de quelque chose de négatif, ça augmente la probabilité de futurs résultats négatifs. Une communication appropriée devient donc cruciale. Les symptômes peuvent être provoqués, empirés, ou ressentis négativement par notre choix de mots et par notre méthode de communication (1,2). Zech et al. (2019) ont réalisé une étude où les chercheurs mesuraient la force de l'épaule et ont trouvé que quand une information sur les risques de douleurs liés au cathéter était donnée, la force de l'épaule diminuait (2). Cependant lorsque les chercheurs donnaient la même information avec en plus des informations concernant le bénéfice du traitement, il n'était pas observé de diminution de force. Ce qui souligne la nécessité d'une éducation appropriée du patient.

Quand les patients sont en situation de stress ou de douleur, ils ont un niveau de suggestibilité et un niveau d'attention plus élevés. L'environnement, le langage corporel et le verbiage peuvent donc avoir de grandes répercussions. Le design de nos halls d'entrée, lobby, salles d'attente, cabinets et la manière d'interagir avec nos patients peuvent altérer les résultats.

Une étude intéressante de Chooi et al. (2013) a examiné, suite à une césarienne, le remplacement de l'échelle numérique de la douleur par l'échelle de confort. Cette substitution n'a pas seulement changé le niveau de douleur des patientes (elles rapportent une douleur plus faible lorsqu'il leur est demandé une évaluation sur une échelle de confort), mais elles ont aussi demandé moins d'analgésiques et avaient une vision différente de leur chirurgie : il s'agissait de la cicatrisation d'une blessure plutôt que d'une lésion d'un tissu (3).

Tous ces effets sont très dépendants de la relation entre le patient et le praticien. Si vous marchez dans la rue et que quelqu'un vous donne une tape dans le dos, et vous vous retournez en voyant un vieil ami, vous aurez plutôt tendance à être heureux et à ne ressentir aucune douleur. Par contre, si vous vous retournez et vous êtes nez à nez avec un étranger, vous avez plus de chances de ressentir de la douleur et de la peur. Même événement mais avec un résultat différent. Nous devrions avoir pour but de favoriser une relation positive avec nos patients pour optimiser les résultats de nos traitements.

Si nous pouvions commencer à appliquer ce principe à notre pratique quotidienne, nous pourrions améliorer l'éducation, réduire l'effet nocebo, et optimiser l'effet placebo en faveur de meilleurs résultats pour nos patients.

+RÉFÉRENCES

Hansen E, Zech N. Nocebo effects and negative suggestions in daily clinical practice - forms, impact and approaches to avoid them. Front. Pharmacol. 2019. doi:10.3389/fphar.2019.00077.

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