- Ma Bibliothèque
- 2022 Issues
- Numéro 33
- Exercices en allongement musculaire précoces versus…
Exercices en allongement musculaire précoces versus différés dans les lésions aigües des ischio-jambiers chez les athlètes masculins : essai clinique contrôlé randomisé
POINTS CLÉS
- Les programmes de rééducation des ischio-jambiers qui incluent des exercices en allongement musculaire (lengthening exercises) réduisent le temps de retour au sport et diminuent les taux de nouvelles blessures, mais le moment optimal de la rééducation pour introduire ces exercices n'était pas connu.
- Dans cette étude, 90 hommes souffrant d'une lésion aigüe des ischio-jambiers ont été randomisés en deux groupes : un groupe exercices précoces en allongement musculaire et un groupe exercices différés en allongement musculaire.
- Il n'y avait pas de différence statistiquement significative dans le temps de reprise du sport ou dans les taux de nouvelles blessures entre les groupes.
CONTEXTE ET OBJECTIFS
Les lésions des ischio-jambiers sont très contraignantes en termes de perte de temps, de coût et de baisse des performances. Une rééducation de haute qualité est donc cruciale pour permettre aux athlètes de retrouver leurs performances optimales en toute sécurité et aussi rapidement que possible avec un risque de blessure minimisé.
Deux études récentes ont montré que les programmes de rééducation qui comprenaient des exercices qui sollicitaient les ischio-jambiers en allongement réduisaient le temps de retour au sport et diminuaient les taux de nouvelles blessures (1, 2). Cependant, le moment optimal en rééducation pour introduire ces exercices n'avait pas été étudié. Le but de cette étude était de comparer la durée avant reprise du sport et les taux de récidive de blessure dans deux groupes, l'un ayant réalisé des exercices en allongement au début de la rééducation et l'autre les réalisant plus tard (en différé).
Les exercices en allongement peuvent être introduits en toute sécurité au début ou au milieu de la rééducation des ischio-jambiers, avec un léger avantage potentiel sur la durée de reprise du sport en faveur de l'allongement précoce.
MÉTHODE
-
Sur une période de 4,5 ans, 90 hommes âgés de 18 à 36 ans (âge médian = 26) souffrant d'une lésion aigüe des ischio-jambiers (stade 1 ou 2 confirmé par IRM) ont participé à un essai contrôlé randomisé (ECR).
-
Les groupes exercices en allongement précoces et différés ont effectué une rééducation 3 à 5 jours/semaine en utilisant des programmes de rééducation standardisés en six phases et basés sur des critères. La seule différence entre les programmes était le moment de réalisation des trois exercices en allongement des ischio-jambiers : l' « extender », le « diver » et le « slider » (voir vidéo).
EXERCICES EN ALLONGEMENT DES ISCHIO-JAMBIERS
-
Le groupe exercices précoces en allongement a effectué ces exercices dès la première séance (médiane = 5 jours post-traumatique). Le groupe exercices différés a introduit les exercices en allongement dans la troisième phase du programme (une fois qu'ils pouvaient courir à 70 % de leur vitesse maximale auto-évaluée), soit une médiane de 16 jours après la blessure.
-
Le critère d'évaluation principal de l'étude était le nombre de jours entre la blessure et le retour au sport (c'est-à-dire un entraînement ou une compétition sans restriction). Le critère d'évaluation secondaire était le taux de récidive au cours de la première année après la reprise du sport.
RÉSULTATS
- Il n'y avait pas de différences statistiquement significatives entre les groupes exercices précoces et différés en ce qui concerne le temps de retour au sport ou les nouvelles blessures (voir tableau 1).
-
Les participants ont repris le sport avec une médiane de 27 jours après la blessure (écart interquartile = 17-39).
-
19 % des participants se sont blessés à nouveau aux ischio-jambiers en un an.
-
Dans l'ensemble, les participants ont assisté à une médiane de 77 % des séances de rééducation recommandées.
LIMITES
-
Tous les participants à cette étude étaient des hommes et en majorité des footballeurs professionnels. Des précautions doivent être prises lors de l'extrapolation des résultats aux femmes, à d'autres sports et à d'autres niveaux de jeu.
-
Bien que les abandons soient inévitables, cette étude a été limitée par un taux d'abandon élevé (19 %), ce qui pourrait remettre en question sa validité. Ce taux d'abandon élevé peut avoir affecté la capacité des chercheurs à trouver une différence statistiquement significative entre les groupes dans la durée avant reprise du sport.
IMPLICATIONS CLINIQUES
Les praticiens et les chercheurs en médecine du sport sont toujours à la recherche de moyens de remettre les athlètes au sport le plus rapidement avec un risque de récidive minimisé. Une approche populaire consiste en des protocoles de rééducation plus agressifs. Par exemple, un récent ECR sur la rééducation des ischio-jambiers a comparé un groupe autorisé à travailler jusqu'à une douleur de 4/10 avec un groupe qui devait rester sans douleur (3). L'étude n'a trouvé aucune différence dans le délai de retour au sport ou les nouvelles blessures entre les groupes.
De même, dans la présente étude (dans laquelle les deux groupes ont eu une rééducation sans douleur), il n'y avait aucune différence statistiquement significative entre les groupes en ce qui concerne le temps de retour au sport ou les nouvelles blessures. L'absence de résultats significatifs n'est pas tout à fait surprenante compte tenu de la similitude des deux groupes : la seule différence était le moment de réalisation des trois exercices en allongement.
D'une part, l'absence de réduction statistiquement significative de la durée avant la reprise du sport dans le groupe exercices précoces en allongement pourrait être perçue comme décourageante. En revanche, l'étude montre que les exercices précoces en allongement sont sûrs et non inférieurs aux exercices différés en allongement. De plus, la différence médiane entre les groupes de 8 jours - qui a favorisé le groupe exercices précoces en allongement - pourrait se traduire par un match supplémentaire joué par le sportif. Les chercheurs ont considéré que cette différence était cliniquement pertinente.
En conclusion, les exercices en allongement peuvent être introduits en toute sécurité au début ou au milieu de la rééducation des ischio-jambiers (avec un léger avantage potentiel sur la durée de reprise du sport en faveur de l'allongement précoce). Pour prendre cette décision, les kinésithérapeutes peuvent se fier à leur propre expertise clinique et à leur intuition en conjonction avec les préférences du patient.
+RÉFÉRENCES
RÉFÉRENCES CITÉES
- Askling CM, Tengvar M, Thorstensson A. Acute hamstring injuries in Swedish elite football: a prospective randomised controlled clinical trial comparing two rehabilitation protocols. Br J Sports Med 2013;47:953–9.
- Askling, C. M., Tengvar, M., Tarassova, O., & Thorstensson, A. (2014). Acute hamstring injuries in Swedish elite sprinters and jumpers: A prospective randomised controlled clinical trial comparing two rehabilitation protocols. British Journal of Sports Medicine, 48(7), 532–539.
- Hickey, J. T., Timmins, R. G., Maniar, N., Rio, E., Hickey, P. F., Pitcher, C. A., Williams, M. D., & Opar, D. A. (2020). Pain-free versus pain-threshold rehabilitation following acute hamstring strain injury: A randomized controlled trial. Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy, 50(2), 91–103.