De la recherche à la pratique : prise en charge après une luxation du coude

7 mins de lecture. Posté dans Coude
Un article de Ashish Dev Gera info

Ce seront toujours les sportifs du dimanche qui passeront le plus de temps avec vous. Tara était une graphiste de 32 ans passionnée de bloc. En semaine, elle dessinait des logos. Le week-end, elle escaladait des murs.

Jusqu’à ce qu’une chute change tout.

Lors d’une séance d’escalade en salle, elle est tombée maladroitement, atterrissant sur son bras droit en extension. Résultat ? Une luxation postérieure du coude.

Elle a réduit la luxation elle-même sur place, a ensuite été immobilisée, puis orientée vers moi deux semaines plus tard avec l’ordonnance habituelle : “reprise progressive de l’activité, récupération des amplitudes, éviter l’instabilité.”

Mais quand Tara est entrée dans le cabinet, elle n’était pas seulement inquiète pour la raideur. Elle avait peur de ne plus jamais pouvoir grimper.

 

Évaluation subjective : plus qu’une simple douleur

Tara rapportait une douleur légère, surtout en fin d’extension, mais sa véritable inquiétude était la vulnérabilité qu’elle ressentait autour de l’articulation. Sa voix trahissait une hésitation lorsqu’elle parlait de reprendre l’escalade. Elle n’avait même pas essayé d’ouvrir une porte avec son bras droit.

Ses objectifs ? « Je veux juste pouvoir grimper à nouveau. Mais je ne sais pas si je peux faire confiance à mon coude. »

Les drapeaux rouges ont été écartés, aucun symptôme neurologique, aucune atteinte vasculaire. Son immobilisation avait duré moins de trois semaines, ce qui était rassurant. Elle n’avait pas eu de problèmes de coude auparavant. Mais les drapeaux jaunes psychosociaux ressortaient : faible sentiment d’efficacité personnelle, peur de la récidive, incertitude quant au retour au sport.

 

Évaluation objective : raideur, mais aussi manque de confiance en soi

Tara présentait un déficit d’environ 25 degrés d’extension et une certaine raideur en flexion. La pronation et la supination étaient presque complètes mais semblaient rigides. Aucun signe d’instabilité manifeste ni d’appréhension lors de mises en charge en position intermédiaire, mais elle évitait les amplitudes extrêmes.

La force était légèrement réduite globalement, en particulier au niveau de la préhension et des fléchisseurs/extenseurs du coude. Ce qui ressortait, ce n’était pas tant la faiblesse elle-même, mais à quel point elle se montrait protectrice. Elle compensait constamment avec son bras gauche.

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Conduite du traitement : laisser la recherche montrer la voie

Deux récentes revues de littérature de Physio Network ont fortement influencé mon approche.

La première revue, par le Dr Val Jones, explorait les barrières psychologiques chez les grimpeurs après une luxation du coude. Elle a montré que 10 % des grimpeurs abandonnaient complètement, la diminution du sentiment d’efficacité personnelle étant un facteur clé de mauvais retour fonctionnel. Tara n’était pas seulement un coude luxé – elle représentait un cas typique d’évitement lié à la peur. Aborder cela dès le premier jour comptait autant que de récupérer l’extension.

La seconde revue a été une révélation : elle analysait une étude cadavérique montrant que le mouvement actif du coude au-dessus de la tête reproduisait une cinématique quasi normale, même en cas de lésions des ligaments collatéraux médial et latéral. Cela a remis en question mon appréhension initiale. Traditionnellement, les cliniciens craignent que l’activité au-dessus de la tête soit risquée après une luxation. Mais cette étude soutenait la mise en mouvement précoce dans ces plans (si elle est chargée de façon raisonnée !).

Plan de traitement : la recherche mise en pratique

Phase initiale (semaines 2–4)

Notre premier objectif : rassurer et encourager le mouvement actif. Nous avons abandonné les étirements passifs prolongés au profit d’un travail actif contrôlé des amplitudes dans plusieurs plans, y compris en élévation au-dessus de la tête avec poulies et glissés au mur.

J’ai expliqué à Tara que les mouvements au-dessus de la tête n’étaient pas dangereux – ils étaient naturels et même bénéfiques, notamment pour la congruence articulaire et la confiance. Ce nouvel angle a, au sens propre, changé sa posture.

Nous avons également introduit du travail isométrique léger pour les fléchisseurs et extenseurs ainsi que du travail de préhension. Mais notre plus grand succès à ce stade ? Planifier une exposition graduelle, étape par étape : ouvrir un bocal, tirer une porte, soulever un sac à dos.

Phase intermédiaire (semaines 4–8)

Avec des amplitudes presque restaurées dès la cinquième semaine, nous avons déplacé l’attention vers la force et la stabilité dynamique. En nous appuyant sur la deuxième revue de littérature, j’ai incorporé des exercices au-dessus de la tête avec élastiques (par ex. diagonales, portés de kettlebell) et des mises en charge dynamiques en quadrupédie. Nous avons aussi introduit des exercices pliométriques légers : lancers de balle, rattrapages réactifs, et tâches de frappes rapides. Ce n’était pas seulement un travail de force – c’était une façon d’apprendre à Tara à refaire confiance à son coude.

Et nous revenions sans cesse à la charge psychologique. Chaque semaine, nous nous posions la question : qu’est-ce qui semblait difficile ? Qu’est-ce qui semblait plus facile ? Comment son coude réagissait-il après chaque séance ? Ce journal subjectif donnait à Tara la responsabilité du processus.

Phase tardive (semaines 8–12+)

L’escalade était notre étoile polaire, donc nous avons adapté nos tests de retour au sport en conséquence. Suspensions à un bras (avec charge progressive), tractions au TRX et tâches de portée contre un mur ont permis de simuler les exigences du bloc.

Nous n’avons pas précipité les choses. En fait, nous avons répété l’échec : que ferait-elle si elle glissait ou devait réceptionner brutalement ? Préparer la rechute lui a donné de la confiance.

Tara a réalisé sa première ascension partielle de mur à la semaine 10 et des voies complètes de bloc (niveau facile) à la semaine 12. À la semaine 14, elle était revenue à son niveau d’escalade pré-blessure.

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Conclusion

Ce n’était pas qu’une histoire de coude. Les luxations du coude peuvent sembler mécaniques, mais la récupération est profondément psychologique. Le cas de Tara m’a rappelé qu’aucune quantité d’exercices de mobilité ne peut remplacer le fait de reconstruire la confiance en soi.

Les revues de littérature m’ont donné le feu vert pour charger au-dessus de la tête précocement, et m’ont aidé à repérer la barrière invisible : la peur de la récidive. Les cliniciens recherchent souvent l’instabilité articulaire. Mais parfois, c’est l’instabilité identitaire qu’il faut savoir détecter.

Alors, la prochaine fois qu’un grimpeur entre dans votre cabinet après une luxation, traitez le coude – oui. Mais traitez aussi la peur.

Parce que parfois, le meilleur résultat n’est pas seulement de restaurer la flexion. C’est de retrouver le chemin du mur, une prise après l’autre.

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