Une application de la méthode McKenzie
Si vous connaissez ma philosophie, vous saurez que je suis un grand fan du MDT alias Diagnostic et Thérapie Mécanique – Méthode McKenzie. C’est une méthode de kinésithérapie très populaire et elle est n°2 derrière la méthode Maitland en termes de nombre d’études effectuées sur celle-ci (1).
Au cours d’un de mes stages cliniques, j’ai travaillé avec plusieurs purs thérapeutes McKenzie, dont Richard Rosedale qui enseigne de nombreux cours. J’ai (de façon anecdotique) eu beaucoup de succès avec le MDT avec de nombreux patients, mais j’ai également appris quelques leçons utiles (qui font l’objet d’un de mes articles les plus populaires (2)), et j’y ai apporté quelques modifications en cours de route ; modifications que j’aimerais partager avec vous dans ce blog. En guise d’avertissement, ce billet de blog est principalement de nature anecdotique et est une extension d’un article que j’ai écrit il y a quelques années (3).
Remarque en passant, cet article suppose que vous avez une connaissance de base du MDT. Sinon, je recommanderais au moins de suivre leurs cours préliminaires gratuits en ligne [NDT : non disponible en France] et de lire tous les livres, recherches et études de cas que vous pouvez pour au moins avoir une idée de base du fonctionnement de la méthode. Malheureusement, de nombreux thérapeutes ont souvent une idée un peu « cliché » du MDT et ne comprennent pas l’ensemble de la méthode.
Voici les principales façons dont j’ai modifié la méthode McKenzie pour obtenir de meilleurs résultats avec mes patients :
1 – Être sélectif des patients chez qui je l’utilise
Si vous lisez les livres de McKenzie, vous saurez que le MDT est contre-indiqué dans les pathologies avec douleur inflammatoire (c’est-à-dire une douleur aigüe de moins d’une semaine ou deux ; ou une douleur constante qui est aggravée par tout).
J’hésite également à l’utiliser avec mes patients qui souffrent de douleurs diffuses constantes ; qui ont des facteurs psychosociaux lourds ; et de la douleur avec à peu près tout pendant mon examen de base. Le MDT dispose d’une classification « chronique » pour les patients qui entrent dans cette catégorie. Si je suis sûr à 99 % qu’ils vont finir dans cette catégorie, alors pourquoi risquer d’exacerber les symptômes du patient et ne pas les voir revenir au cabinet ?
Cela dit, le MDT peut toujours être utilisé avec des patients souffrant de douleur chronique. Je commence juste plus doucement avec eux et souvent (en particulier pour les douleurs vertébrales) je commence d’abord par une posture, puis (si la posture ne fonctionne pas et n’exacerbe pas les symptômes) je fais des tests de mouvements répétés avec peu de répétitions (séries de 5 pour commencer). Cela m’aide à évaluer si d’autres tests MDT valent la peine ou s’ils ne donneront tout simplement pas l’effet souhaité.
2 – Être sélectif dans le nombre de tests de mouvements répétés que j’utilise en une séance
Deux des inconvénients de la méthode McKenzie sont :
- Il peut être facile de faire « flamber » les patients [exacerber les symptômes du patient sans diminution consécutive] s’il y a beaucoup de tests.
- Si vous ne trouvez pas de préférence directionnelle, vous pouvez avoir l’air incompétent et amener le patient à avoir moins confiance en vous et/ou en lui-même.
S’il s’agit d’un patient que j’ai peur de faire flamber lors d’une évaluation, je teste souvent seulement 1 à 3 directions (au maximum). S’ils ne répondent pas bien à l’une d’entre elles, je mettrai fin à la séance et j’essaierai de tester davantage lors de la prochaine séance. De plus, si un patient n’a pas de préférence directionnelle, il est essentiel de le rassurer sur le fait qu’ils peuvent toujours s’améliorer même sans préférence directionnelle.
3 – Commencer d’abord par les directions sans douleur (si possible)
Dans les enseignements McKenzie, la recommandation est de tester d’abord les directions les plus douloureuses et les plus limitées. En revanche, j’ai découvert que tester les directions sans douleur aide d’abord mes patients à obtenir des améliorations sur divers critères tout en maximisant l’adhésion et en minimisant les symptômes et la probabilité d’une poussée douloureuse – un obstacle courant au traitement (4).
Si on regarde selon la partie du corps…
Encore une fois, tous les patients ne rentrent pas dans ces jolies cases, mais j’espère que cela vous aidera à vous donner quelques idées de point de départ. Si les directions sans douleur ne fonctionnent pas, vous devrez peut-être essayer les directions douloureuses, mais essayez d’abord celles sans douleur. Vous pourriez être surpris de la façon dont cela se passe.
4 – Modifier les types, les volumes et les fréquences au besoin pour aider à l’observance
Lorsqu’il s’agit de faire de l’exercice pour traiter la douleur, le terme clé (autre que la tolérance) est l’observance. Les meilleurs exercices au monde ne sont pas bons si vos patients n’arrivent pas s’y tenir. Dans cet esprit, j’ai tendance à éviter les exercices qui nécessitent de s’allonger, à moins que vos patients ne soient dans une situation de travail où ils peuvent s’allonger pour réaliser leurs mouvements répétés plusieurs fois au cours de la journée. Presque tous les exercices de mouvements répétés que je donne peuvent être effectués en position assise et/ou debout.
Le volume par série est également important car certains patients, en particulier ceux qui sont très déconditionnés, peuvent vite se fatiguer à faire des séries de 10 tout au long de la journée. Dans ces situations, je leur demande parfois de faire des séries de 5 ou je leur donne un « quota de répétition » pour la journée (c’est-à-dire 30 à 40 répétitions par jour) qu’ils peuvent répartir comme bon leur semble.
Enfin, la fréquence est également un facteur important. Bien que les exercices de mouvements répétés sont souvent prescrits avec une fréquence de 10 répétitions toutes les 2 heures, j’aime commencer plus doucement (c’est-à-dire 10 répétitions, 3 à 4 fois/jour réparties dans la journée), évaluer les progrès et augmenter ou diminuer en partant de cette base.
Soit dit en passant : si vous souhaitez en savoir plus sur la façon de prescrire de l’exercice aux personnes souffrant de douleur, allez voir la Masterclasse de Ben Cormack [en anglais uniquement].
5 – L’utiliser dans le cadre d’une approche globale
Un grand mythe au sujet du MDT, souvent relayé par des personnes moins bien renseignées sur la méthode, est qu’elle ignore les facteurs psychosociaux. En réalité, la méthode s’intéresse beaucoup aux facteurs psychosociaux (en particulier dans ses livres), ce qui est assez étonnant étant donné qu’une grande partie des supports est sortie bien avant que le modèle biopsychosocial ne commence à faire partie du courant dominant au cours de la dernière décennie.
Cela dit, il y a d’autres facteurs à considérer, notamment :
- Gestion de la charge de travail/modification de l’activité : il se peut que votre patient réagisse bien aux extensions de genou avec surpression, mais s’il court habituellement 20 km par semaine et ne peut tolérer que 10 km, vous êtes peut-être en train de limiter ses progrès. De plus, s’il arrête de courir, fait des extensions répétées de genou, abolit ses symptômes, mais repart d’un coup sur 20 km par semaine, vous allez peut-être tourner en rond. Une progression appropriée du volume d’activité est nécessaire.
- Contrôle neuromusculaire : c’est juste un terme compliqué pour décrire la façon dont vous bougez. J’ai arrêté de compter le nombre de patients que j’ai eus avec une douleur au dos, qui ne tolèrent pas la flexion, réagissent bien à l’extension dans mon cabinet et reviennent le lendemain inchangés ou même pires. Lorsque je leur pose des questions sur leurs activités et que je leur demande de me montrer comment ils font ces activités, ils bougent exactement de la manière qui aggrave les symptômes. Un coaching et des sollicitations appropriés du mouvement souhaité et (si nécessaire) des aides telles que le taping peuvent être utiles pour aider le patient à bouger de manière à permettre la réduction des symptômes.
- Fonction en chaine cinétique : bien que des concepts tels que l’approche articulation par articulation [joint by joint approach] et l’interdépendance régionale [regional interdependence model] soient très largement surexploités, un manque de mobilité/force/contrôle au niveau d’une articulation peut parfois influencer la douleur au niveau d’une autre articulation. L’exemple le plus facile auquel on peut penser est celui d’un patient qui a des douleurs au dos et aux jambes en flexion, qui a des hanches et des chevilles raides et doit se pencher avec le dos chaque fois qu’il fait ce mouvement. Bien que les extensions répétées peuvent centraliser la douleur de la jambe, si les déficits de mobilité de la hanche et de la cheville ne sont pas traités, le patient ne sera peut-être pas en mesure de permettre à son dos de se désensibiliser complètement et peut continuer à aggraver le problème et à tourner en rond.
- Force globale et préparation physique : Une entorse de cheville peut bien s’améliorer avec des éversions répétées, mais sans une force/stabilité adéquate, il se peut que le patient n’ait pas la capacité dont il a besoin pour courir et sauter sur le terrain de football.
- Autres facteurs : le sommeil, la nutrition et la gestion du poids.
Cet article décrit, à mon humble avis, de nombreuses manières différentes d’appliquer la méthode McKenzie plus efficacement. Comme toujours, merci de m’avoir lu !
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