Déchirures méniscales et « symptômes mécaniques » – Une énigme non résolue
Les symptômes mécaniques associés à une déchirure méniscale à l’IRM sont actuellement une indication forte en faveur de la chirurgie méniscale par arthroscopie. Nous avons récemment mené plusieurs études qui remettent en question notre compréhension actuelle de ce qui peut causer des symptômes mécaniques du genou. Nous avons également exploré si les patients présentant des symptômes mécaniques au niveau du genou avaient un résultat particulièrement favorable après une chirurgie méniscale.
L’utilisation de la chirurgie par arthroscopie pour traiter les déchirures méniscales dégénératives, une intervention chirurgicale très courante, a fait l’objet de nombreux débats au cours de la dernière décennie. Malgré une série d’essais randomisés ne montrant aucun effet supérieur de la méniscectomie partielle arthroscopique (APM) par rapport à la chirurgie placebo ou à la thérapie par l’exercice pour traiter la douleur et la fonction rapportées par les patients, 1,2 les cliniciens croient fermement qu’il existe des sous-groupes de patients pour lesquels la chirurgie serait particulièrement favorable. 3,4 Un de ces sous-groupes comprend les patients présentant des déchirures méniscales et des symptômes mécaniques.
Définition de « symptôme mécanique »
Les symptômes de sensation de «blocage» et/ou de «verrouillage» au niveau du genou sont généralement considérés comme d’origine mécanique, causés par quelque chose qui est pris au piège ou coincé à l’intérieur du genou et qui peut être retiré par chirurgie. Si des symptômes mécaniques sont présents en combinaison avec une déchirure méniscale confirmée à l’IRM, les symptômes sont généralement considérés comme provenant de la déchirure, ce qui justifie fortement la chirurgie méniscale.
Semblable à d’autres types de symptômes, les symptômes mécaniques sont souvent fluctuants et un genou bloqué de manière chronique est assez rare. En clinique, la présence / absence de tels symptômes est généralement déterminée à partir des antécédents médicaux des patients complétés par des tests objectifs. La définition et la compréhension des symptômes de «blocage» et de «verrouillage» sont assez variées chez les patients et les cliniciens. Dans la littérature scientifique, les symptômes mécaniques sont généralement rapportés par les patients et déterminés en interrogeant les patients sur la présence et/ou la fréquence de «blocage» et/ou de «verrouillage» dans leur genou symptomatique.
Symptômes et résultats après une chirurgie méniscale
La chirurgie est considérée comme particulièrement bénéfique pour soulager les symptômes mécaniques du genou. 4 Cependant, une analyse secondaire de l’étude FIDELITY comparant l’APM à la chirurgie placebo dans le sous-groupe de patients présentant des symptômes mécaniques préopératoires n’a rapporté aucun effet supérieur de l’APM par rapport à la chirurgie placebo dans le soulagement des symptômes mécaniques chez les patients présentant une déchirure méniscale dégénérative. 5
De plus, les données observationnelles d’une importante cohorte finlandaise n’ont rapporté aucune différence après APM dans l’amélioration de la douleur et de la fonction rapportées par les patients entre les patients présentant des déchirures méniscales dégénératives, avec et sans symptômes mécaniques préopératoires. 6 Un constat que nous avons récemment confirmé. 7 Cependant, il semble que les patients plus jeunes (moins de 40 ans) présentant des symptômes mécaniques améliorent davantage leur douleur et fonction auto-rapportées après une chirurgie méniscale que les patients sans ces mêmes symptômes. 7 On ne s’explique pas vraiment pourquoi. Il peut être supposé que cela est causé par une plus grande proportion de patients dans la population plus jeune ayant des types de déchirures telles que des déchirures longitudinales-verticales (c.-à-d. en anse de seau) qui sont théoriquement plus susceptibles de provoquer des symptômes mécaniques. 8
Relation entre les « symptômes mécaniques » et les déchirures méniscales
Nous avons récemment mené une étude pour déterminer si certains types de déchirures méniscales telles que les déchirures « instables » (c.-à-d. des déchirures verticales ou longitudinales-verticales) 8 sont plus susceptibles de provoquer des «symptômes mécaniques» ou si d’autres pathologies concomitantes du genou pourraient expliquer ces symptômes. Dans l’étude, nous avons inclus un large éventail de déchirures méniscales avec des caractéristiques différentes (types, localisation, et taille de la déchirure, etc.), mais également d’autres pathologies du genou (lésions du cartilage, atteinte du LCA, etc.) identifiées par arthroscopie, qui pourraient potentiellement provoquer des symptômes mécaniques. Nous n’avons trouvé aucune relation importante entre l’un des facteurs inclus et les sensations de « blocage » et/ou « verrouillage » du genou ou « l’incapacité à tendre la jambe » (c’est-à-dire un déficit d’extension). 9 Cette logique, pourtant intuitive qui consisterait à penser que les symptômes mécaniques sont causés par des pathologies articulaires spécifiques est ici remise en question. Pour tenter d’élucider cette problématique, et pour savoir si les symptômes mécaniques sont effectivement un symptôme spécifique des déchirures méniscales, nous avons mené une deuxième étude, comparant la fréquence des symptômes mécaniques entre les patients avec et sans déchirure méniscale lors d’une arthroscopie du genou. Nous avons constaté qu’environ la moitié de tous les patients ont déclaré avoir cette sensation de blocage ou de verrouillage du genou et une incapacité à tendre leur jambe complètement. De manière surprenante, ces symptômes mécaniques étaient aussi fréquents chez les patients avec et sans déchirure méniscale. 10
Qu’est-ce qu’on peut déduire de tout ça ?
Si on fait la synthèse de tous ces résultats, ils suggèrent que les symptômes mécaniques rapportés par les patients ne sont pas un symptôme spécifique des déchirures méniscales, mais sont fréquents chez les patients ayant des problèmes de genou en général. De plus, les résultats ne soutiennent pas un simple lien de cause à effet entre les pathologies structurelles de l’articulation du genou, y compris les déchirures méniscales, et les symptômes mécaniques rapportés par les patients, même si ce lien est pourtant souvent suggéré. Ainsi, lorsque vous rencontrez dans votre pratique un patient rapportant des symptômes mécaniques en combinaison avec une déchirure méniscale confirmée à l’IRM, il faut être très prudent dans l’attribution de ces symptômes à la déchirure méniscale.
L’absence de relation entre les déchirures méniscales et les symptômes mécaniques peut expliquer pourquoi la chirurgie ne soulage pas mieux ces symptômes que la chirurgie placebo ou n’entraîne pas une amélioration plus importante de la douleur et de la fonction par rapport aux patients sans symptômes mécaniques et déchirure méniscale dégénérative. Il est important de noter que les données de deux essais randomisés récents sur des patients atteints de déchirures méniscales dégénératives soulignent que les participants du sous-groupe de patients présentant des symptômes mécaniques préopératoires retirent les mêmes bénéfices aussi bien avec la thérapie par l’exercice que suite à une APM. Une étude a révélé que les symptômes mécaniques étaient soulagés de manière aussi importante dans les deux groupes, exercices et APM. 11 Dans l’autre étude, aucune différence de douleur n’a été observée au suivi à 3 ans entre le groupe exercice et le groupe chirurgie. 12
On peut soutenir cependant qu’il existe des patients avec des déchirures méniscales qui se présentent au cabinet avec un genou bloqué, de manière chronique ou un genou qui bloque ou se verrouille pendant les tests objectifs : l’intervention chirurgicale peut être alors indiquée pour soulager ces symptômes. Ces patients représentent probablement le sous-groupe pour lequel la chirurgie méniscale était prévue initialement, mais il se peut que l’élargissement incontrôlé de l’indication chirurgicale ait amené ce groupe à ne représenter maintenant qu’une minorité. Pour les patients plus jeunes (c.-à-d. 40 ans ou moins) présentant des déchirures méniscales, les preuves issues d’essais randomisés sur le meilleur traitement font encore défaut. Malgré l’absence de relation entre les symptômes mécaniques et les déchirures méniscales, nos données observationnelles indiquent que les patients plus jeunes présentant des symptômes mécaniques ont de plus grandes améliorations après chirurgie que ceux sans ces symptômes. Les futurs essais randomisés devront confirmer ces résultats et déterminer si la thérapie par l’exercice peut également traiter les symptômes mécaniques chez la population plus jeune présentant des déchirures méniscales.
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