Entorse haute de la cheville
J’ai décidé d’écrire ceci après avoir récemment rééduqué une blessure de la syndesmose de la cheville, je souhaitais donc me pencher davantage sur ce domaine. Le but de ce blog est de voir ce qu’est la syndesmose, les mécanismes lésionnels, de quels outils on dispose pour diagnostiquer « l’entorse haute de la cheville », et comment j’ai entrepris une rééducation récente de cette blessure.
Introduction
Le ligament tibio–fibulaire antérieur est le ligament de la cheville le plus souvent atteint. Les blessures de la syndesmose peuvent représenter environ 10 % de toutes les blessures à la cheville, comme l’ont rapporté Boytim et al (1991) qui ont étudié des joueurs de football professionnels (américains) sur six ans. Ils ont découvert que les entorses de la syndesmose représentaient 18 des 98 blessures à la cheville signalées. Hermans et al (2010) ont estimé qu’entre 1 et 11 % de toutes les blessures à la cheville impliquaient la syndesmose.
Anatomie
L’articulation tibio–fibulaire distale est une articulation à surface convexe (fibula) et concave (tibia) (Norkus et Floyd, 2001). Elle est stabilisée par la syndesmose qui contient la membrane interosseuse s’étendant entre le tibia et la fibula, et par trois autres ligaments qui assurent la stabilité à l’extrémité distale de l’articulation. Les ligaments sont le ligament tibio–fibulaire antéro–inférieur (LTFAI), le ligament tibio–fibulaire postéro–inférieur (LTFPI), le ligament transverse et la membrane interosseuse mentionnée précédemment (Williams et Allen, 2010).
Ogilvie–Harris et al (1994) ont réalisé une étude cadavérique portant sur la stabilité assurée par ces ligaments au niveau de l’articulation tibio–fibulaire distale. Ils ont démontré que le LTFAI représente 35 % de la stabilité articulaire, la membrane interosseuse 22 % tandis que le LTFPI en assure environ 42 %. Par conséquent, nous pouvons voir qu’une blessure à un ou plusieurs de ces ligaments peut entraîner une importante instabilité au sein de l’articulation.
Mécanisme
Une blessure à l’articulation tibio–fibulaire peut être causée par contact. Il peut s’agir d’un tacle où le pied d’un joueur est en contact avec le sol et pivote en force vers l’extérieur, ou lorsqu’un joueur change soudainement de direction avec le pied fixe et passe en rotation externe.
Il a été démontré que la dorsiflexion et la rotation externe provoquent une tension accrue des ligaments au niveau de l’articulation tibio–fibulaire distale. Ce mécanisme provoque la rotation du talus et peut, par conséquent, provoquer une séparation entre le tibia et la fibula mettant en tension les ligaments, ou dans le pire des cas, provoquant une rupture (Norkus et Floyd, 2001).
Il a été démontré que le mécanisme de rotation externe affecte initialement le LTFAI ; une rotation supplémentaire poserait alors un risque pour la membrane interosseuse et le LTFPI (Hermans et al, 2010 ; Hunt, 2013). L’écart normal entre le tibia et la fibula est d’environ 5 mm (Hunt, 2013) ; mais une augmentation supplémentaire de seulement 1 mm de l’espace peut provoquer une instabilité de la cheville.
Diagnostic
Suite à une suspicion de lésion de syndesmose, il est important de recueillir des informations appropriées à partir de l’évaluation subjective telles que : le mécanisme, la présence d’un gonflement, la localisation de la douleur, etc.
Objectivement, une personne avec une suspicion de lésion de la syndesmose peut présenter une douleur et un gonflement au niveau de l’articulation tibio–fibulaire distale, une amplitude de mouvement et une force réduites, une mise en charge difficile (ou une incapacité à monter sur la pointe du pied). Il est important de considérer d’autres structures de la cheville telles que le ligament deltoïde, qui s’est avéré être aussi atteint en conjonction avec le complexe de la syndesmose, en raison de son rôle accessoire dans la stabilisation de l’articulation tibio–fibulaire distale (Hunt, 2013).
Le test courant que j’utilise pour tester une lésion de la syndesmose est le test de rotation externe. Cela peut être fait en position assise ou (si le joueur peut supporter son poids) en position debout (reproduisant le mécanisme de la blessure). En position assise, le joueur est assis sur le bord de la table, le genou est stabilisé et le pied est mobilisé en dorsiflexion et en éversion. La douleur orienterait vers une suspicion d’entorse de la syndesmose (Williams et Allen, 2010).
Dans une revue systématique, Schwieterman et al (2013) ont examiné la précision diagnostique de tests spécifiques au pied et à la cheville, leurs résultats (qui n’incluaient pas l’étude de Pakarinen, que je viens d’ajouter au tableau) sont ci–dessous :
Test | Sensibilité | Spécificité | Article | Sujets |
Test de coton | 0.25 | N/A | Beumer et al | 28 |
0.25 | 0.98 | Pakarinen | 288 | |
Rotation latérale | 0.99 | N/A | Beumer et al | 294 |
0.20 | 0.85 | De Cesar et al | 56 | |
0.58 | 0.90 | Pakarinen | 288 | |
Translation fibulaire |
0.75 | 0.88 | Beumer et al | 322 |
Squeeze Test | 0.30 | 0.94 | De Cesar et al | 56 |
Le Squeeze Test implique que le thérapeute comprime le milieu du segment jambier ; toute douleur dans la région de la syndesmose est considérée comme un test positif pour une lésion de la syndesmose. Je n’ai jamais utilisé ce test pour une lésion de syndesmose, certains cliniciens avec qui j’ai travaillé l’utilisent et d’autres non. Je préfère le test de rotation externe qui me suffit pour suspecter une lésion de la syndesmose.
Le test de translation de la fibula s’est avéré avoir la sensibilité et la spécificité les plus élevées, mais je ne l‘ai jamais vu dans ma pratique et je ne connais personne d’autre qui l’utilise.
Enfin, une fois la syndesmose suspectée, la partie lésée doit faire l’objet d’une IRM afin de confirmer le diagnostic. Cette méthode a une précision de 96 % pour prédire les lésions de la syndesmose, contre 63 % pour la radiographie (Takao et al, 2003 ; Oae et al, 2003). Une radiographie sous contrainte (stress radiographie) peut également montrer une lésion de syndesmose, bien que Parakinen ait suggéré que la faible sensibilité trouvée limiterait son efficacité malgré une spécificité élevée.
Traitement chirurgical ou conservateur ?
L’un des principaux facteurs pour choisir d’opérer ou d’entreprendre un traitement conservateur sera la quantité d’instabilité présente et la gravité des dommages structurels à la suite d’une lésion de la syndesmose.
Le traitement conservateur prend généralement six à huit semaines pour que la blessure guérisse, mais il est possible que la blessure ne se soit pas suffisamment rétablie, laissant les patients avec un degré d’instabilité et un risque de nouvelle blessure. Cela laisserait le joueur/patient susceptible d’avoir besoin d’une intervention chirurgicale à l’avenir. L’instabilité a été trouvée par Hermans et al (2010) dans 40 % de toutes les entorses de la cheville, les patients signalant des symptômes d’instabilité six mois plus tard. Cela montre l’importance de traiter l’instabilité pour limiter les complications ultérieures qui pourraient avoir un impact significatif sur la fonction.
Actuellement, la technique chirurgicale pour les blessures de la syndesmose implique une fixation par TightRope pour aider à stabiliser l’articulation, et selon la récupération, cela peut prendre environ dix à douze semaines pour qu’un joueur reprenne l’entraînement.
La fixation TightRope
La fixation par la technique chirurgicale TightRope vise à stabiliser la syndesmose pour réduire l’instabilité au niveau de l’articulation tibio–fibulaire distale. Elle est réalisée en glissant un fil à travers le tibia et la fibula, ensuite maintenu en place par deux boutons de suture. L’avantage de cette procédure est qu’elle réduit le besoin de toute intervention chirurgicale supplémentaire là où les vis devaient auparavant être retirées à la suite d’une fixation interne ; les vis sont toujours utilisées, mais seulement s’il y a des preuves d’une fracture dans la région. Comme toujours, il y a des inconvénients. Cela peut inclure une zone d’hypoesthésie sur et autour du site de l’opération, une irritation des tissus mous là où les boutons de suture sont placés, ou dans des cas plus graves et rares comme l’ont souligné Storey et al (2012), une ostéomyélite sur l’implant.
Rééducation
Après la chirurgie, les recommandations générales préconisent six semaines de temps de récupération avant de commencer le processus de rééducation principal. Pendant les deux premières semaines, le joueur est immobilisé en décharge avec une attelle, puis avec une botte de décharge pendant les quatre semaines restantes au cours desquelles il peut commencer une mise en charge partielle selon la tolérance, dans le but d’être en charge complète d’ici la fin des six semaines. Une attention particulière doit être accordée pour éviter la dorsiflexion et l’éversion pendant cette période afin de réduire le risque de tension inutile sur l’articulation et la fixation TightRope.
Une immobilisation prolongée est susceptible d’entraîner une raideur de l’articulation de la cheville, un raccourcissement musculaire (en particulier le complexe gastrocnémiens– soléaire) et une amyotrophie dans le haut et le bas du membre inférieur.
0–6 semaines
Le joueur a reçu des exercices pour ses fessiers et son tronc, qui ont tous été effectués en décharge. Le travail des fessiers consistait en des exercices à bras de levier longs et courts tandis que le travail du tronc incorporait des exercices tels que les dead bugs et le superman. En plus de cela, le préparateur physique a fourni un programme afin que le joueur puisse travailler sur sa force du haut du corps.
Pour augmenter le volume musculaire, j’ai utilisé un appareil de stimulation électrique appelé Compex. Cet appareil stimule les muscles et les fait se contracter, et le joueur doit résister. Ce n’est pas l’outil le plus confortable pour les patients (ce que je peux confirmer après avoir essayé sur moi–même). Le Compex est utile au joueur jusqu’à ce qu’il soit capable de travailler les jambes avec des poids avec une alternance quadriceps/ischio– jambiers. Le joueur a commencé par une petite session Compex de 32 répétitions (4 séries de 8 répétitions) et a ensuite augmenté à partir de là.
À partir de la 7e semaine
Une fois les six semaines passées, nous avons commencé à accélérer la rééducation. Cela signifiait que nous pouvions commencer à incorporer des exercices avec poids pour les jambes (une fois le gonflement maîtrisé) et commencer des exercices spécifiques à la cheville, notamment des pointes de pied, des exercices avec des élastiques et des exercices de proprioception.
Un autre programme sur l’appareil Compex s’appelait prévention de l’entorse de cheville (pas un fan du mot prévention, je pense que la diminution est un terme plus approprié) ; il a aidé à renforcer les fibulaires pour améliorer la stabilité de la cheville.
Après avoir été immobilisé pendant six semaines, il y avait une raideur considérable de la cheville due aux muscles et aux articulations raides. Pour aider à réduire cela, nous avons travaillé sur la mobilisation de la cheville ainsi que sur l’augmentation de la longueur musculaire. J’ai trouvé les articulations talo–crurale et tibio–fibulaire distale très raides, donc j’ai passé du temps à les mobiliser. Pour aider à augmenter les amplitudes du joueur, nous avons également utilisé une machine à mouvement passif continu (CPM, continuous passive motion) travaillant sur la flexion plantaire, la dorsiflexion, l’inversion et l’éversion que le joueur effectuait quotidiennement jusqu’à ce que l’amplitude complète des mouvements ait été restaurée.
La mobilisation des articulations de la cheville, y compris les articulations talocrurale, subtalaire, tibio–fibulaires proximale et distale, a permis d’atténuer une partie de la raideur de la cheville. Les étirements incluant la facilitation neuromusculaire proprioceptive (PNF, proprioceptive neuromuscular facilitation) ont aidé à réduire le tonus des muscles. L’obtention de la dorsiflexion était l’un des principaux résultats à atteindre, ce qui aiderait à réduire le risque de complications supplémentaires telles que le conflit postérieur de la cheville.
Nous avons utilisé différentes surfaces pour travailler sur la proprioception du joueur :
Une surface stable telle que le gazon/gazon artificiel/sol dur pour incorporer la marche en tandem, la marche talon–pointe, différents exercices de balle tels que les volées, les two touchs et headers. Les autres surfaces comprenaient des tapis pliables empilés les uns sur les autres pour créer un environnement instable, un tapis Airtrak, un bosu, une mousse et des rouleaux semi–circulaires. En raison de la diminution de la conscience proprioceptive, nous avons commencé par permettre au joueur de se concentrer sur l’endroit où il marchait pendant l’activité. Pour rendre cela plus difficile pour le joueur, une balle a été placée sous son menton afin que le joueur ne puisse pas regarder où son pied était placé, ce qui rendait l’équilibre plus difficile.
Lorsque l’équilibre, la force et les amplitudes se sont améliorés, le joueur a commencé par travailler sur les techniques de réception. Cela a commencé avec une réception de base à deux jambes, deux jambes à une jambe, une jambe à deux jambes, au–dessus de haies, en avant et en arrière. Une fois que le joueur a développé la confiance en ses capacités, la rééducation est devenue un peu plus spécifique au football, par exemple, monter pour faire une tête mais avoir un adversaire (dans ce cas, moi) qui le défiait afin qu’il expérimente des scénarios spécifiques au football.
Bien qu’il ne puisse pas participer à l’entraînement, nous avons essayé de nous assurer que le joueur maintenait une certaine forme cardiovasculaire en effectuant des séances de vélo et de boxe à la salle de sport. Boldrini, lors de la récente conférence médicale sur le football, a suggéré que le travail de conditionnement devrait commencer avant de commencer la rééducation sur le terrain.
Une fois que le gonflement du joueur était sous contrôle, sa masse musculaire revenue à la normalité et son Weight Bearing Lunge Test (WBLT) à un niveau d’avant la blessure, nous avons commencé le retour du joueur aux activités de course sur la machine Alter–G (un excellent outil qui aide à augmenter progressivement la tolérance à la mise en charge par la course), en commençant à un petit pourcentage avec 50 % et en augmentant jusqu’à environ 80–85 % (la progression suivante étant à l’extérieur pour continuer la rééducation) et en augmentant la durée, en commençant par 1 min on/1 min off x 8 répétitions et continuer jusqu’à 4 min on sur 1 min off x 4 répétitions.
Les exercices de jeu ayant été réalisés sans mauvaise réaction de la cheville (pas de raideur importante ou augmentation du gonflement ou de la douleur), le joueur a alors commencé ses dernières étapes de rééducation. Nous avons commencé le retour aux exercices de course qui impliquent que le joueur effectue un certain nombre d’activités différentes telles que des marches, des sauts, du jogging avec un travail d’accélération et de décélération, progressant jusqu’à des exercices sur les aspects latéraux de la fonction tels que les changements de direction et le travail de balle, et enfin des séances d’agilité et fonctionnelles. Une fois que le joueur a effectué cela avec succès, ce qui était nécessaire pour qu’il reprenne l’entrainement était de terminer ses séances de préparation physique. En fonction de la durée de leur absence, le nombre de séances a été adapté. Dans ce cas, le joueur a effectué cinq séances.
Après avoir terminé sa rééducation, le joueur était prêt à reprendre l’entrainement et à reprendre confiance dans les activités spécifiques au football. Ironiquement, le premier match du joueur a eu lieu au même endroit où il a subi la blessure, il y avait donc un énorme défi psychologique à surmonter en plus de l’aspect physique. Le joueur a réussi les deux défis et a continué à progresser jusqu’à un retour aux niveaux d’avant la blessure.
Résumé
En résumé, les blessures à la syndesmose de la cheville sont assez rares mais peuvent entraîner une longue période d’arrêt. Les joueurs peuvent s’attendre à reprendre le jeu à partir de deux mois selon qu’une opération ou une prise en charge conservatrice est effectuée. Il existe également un certain nombre de facteurs qui doivent être pris en compte avant qu’un joueur ne revienne à une pleine participation, pour aider à réduire le risque de complications ultérieures.
Merci beaucoup d’avoir lu cet article. Ce serait formidable d’entendre vos pensées et tout commentaire que vous pourriez avoir.
Ce blog a été initialement publié sur le site web d’Adam Meakin. Apprenez–en plus auprès d’Adam ICI.
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