Le lien entre posture et douleur n’est pas si simple : explications
Si j’avais reçu un euro chaque fois que la posture était mise en cause sur les réseaux sociaux dans l’apparition de douleurs… eh bien, disons simplement que je serais un gars assez riche.
La notion de POSTURE est omniprésente dans l’imaginaire collectif lorsqu’il s’agit de douleurs de dos, aux épaules ou au cou. Nous disposons pourtant d’une tonne d’études qui ne trouvent aucune différence réelle entre les postures des personnes sans douleur avec celles qui souffrent de douleurs au dos, aux épaules ou au cou ; mais cette information est régulièrement IGNORÉE.
Ne laissez JAMAIS la science se mettre en travers d’une bonne histoire, surtout si elle est publiée sur les réseaux !
En fait, j’ai déjà écrit plusieurs fois sur la posture : )
Le guide définitif de la posture et de la douleur en 3 minutes chrono
Avez-vous vraiment besoin que vos articulations soient centrées ?
Mais juste pour commencer avec un peu de science, cet article ICI de 2016 n’a trouvé AUCUNE différence significative dans la lordose lombaire (courbure vertébrale) entre les personnes ayant des douleurs de dos et celles qui n’en ont pas.
C’est super important. COMMENT pouvons-nous accuser une caractéristique présente chez les personnes SANS douleur comme étant responsable de la douleur chez d’autres ?
Je vous laisse y réfléchir…
QU’EST-CE QUE VOUS MESUREZ ?
Dans ce billet de blog, nous allons explorer quelques questions liées à la façon dont nous évaluons la posture et si elles sont réellement VALIDES sur le plan scientifique. En effet, si vous ne disposez pas d’une bonne mesure dès le départ, il est assez difficile d’accuser quelque chose comme étant la source du problème.
Le premier élément de PREUVE RÉELLE, ce qui manque souvent dans le débat sur la posture, est la mesure de la LORDOSE LOMBAIRE DEBOUT (la courbure du dos qui est souvent accusée d’être l’origine de la douleur). Cette évaluation est d’ailleurs pratiquée dans les cabinets et salles de sport du monde entier.
L’idée est qu’une augmentation (et parfois une diminution) de la courbure lombaire augmente les douleurs du dos et est souvent couplée à l’idée que la bascule pelvienne a une influence sur la taille de la courbure lombaire, même si les courbures lombaires ne semblent pas être un facteur important dans la lombalgie (voir les éléments SCIENTIFIQUES ci-dessus :))
En 1990, cela a été exploré par Heino et al et ils ont découvert que l’angle de la bascule pelvienne des personnes et leur courbure lombaire ne sont pas corrélés ! Ainsi, regarder la position du bassin nous en dit très peu sur ce qui se passe au niveau de la colonne lombaire, qui est beaucoup plus difficile à mesurer. Une étude antérieure très similaire datant de 1987 a également donné le même résultat, mais cette corrélation est toujours enseignée aujourd’hui.
Quoi qu’il en soit, revenons à l’article sur la mesure debout de la lordose, vous le trouverez ICI. Les auteurs ont exploré la variabilité de la posture debout de 400 personnes, 332 sans douleur et 83 avec lombalgie. Ils ont constaté que chaque fois que nous nous levons, nous le faisons d’une manière légèrement différente.
Les auteurs, selon leurs mots, déclarent « la position debout est très individuelle et peu reproductible ».
Alors pourquoi est-ce important ?
En termes simples, quelle posture mesurez-vous RÉELLEMENT avec votre évaluation posturale. L’une peut montrer une augmentation de la lordose, alors qu’une autre pourrait montrer une diminution.
J’ai quelques questions sur la façon dont nous interprétons les évaluations posturales à la lumière de ces informations.
- Laquelle de ces postures est liée au problème ?
- Combien de fois mesurez-vous et faites-vous la moyenne ?
- À quoi comparez-vous pour déterminer si la courbure est trop ou pas assez importante ?
Les auteurs soulignent un bon point : le manque d’uniformité de la posture debout peut en fait conduire à « un mauvais diagnostic et éventuellement à un traitement inutile ».
Si vous vous concentrez sur quelque chose qui ne constitue pas un problème, vous ne vous concentrez pas sur quelque chose d’autre qui pourrait l’être ou vous pourriez ne pas voir que le traitement ne fonctionne pas ou ne fonctionne que de manière transitoire (ce qui explique potentiellement pourquoi tant de douleurs du dos sont persistantes).
La lordose réelle dans la vie quotidienne peut également être différente de celle qui est mesurée au cabinet ou dans une salle de sport. Une mesure faite dans un cabinet ou une salle de sport peut être décrite comme un « instantané » et cette étude ICI a comparé cet « instantané » à la mesure réelle prise dans le quotidien des personnes ayant participé à l’étude.
Les auteurs ont constaté qu’en moyenne, lors de la position debout, comme le sont la plupart des évaluations posturales, il y avait une lordose lombaire de 33,3° mais la moyenne de la lordose au quotidien sur une période de 24h n’était que de 8°, une énorme différence !
Ainsi, l’évaluation posturale « instantanée » ne nous informerait pas vraiment très bien sur la quantité de lordose réellement utilisée et nous pourrions surestimer l’étendue de ce problème imaginaire. 🙂
Nous devons également nous rappeler qu’il s’agissait de mesures radiologiques et qu’il s’agit du « gold standard » clinique. Souvent, la lordose est mesurée de manière beaucoup plus rudimentaire en regardant la relation des repères au niveau du bassin indiquant une bascule du bassin et donc un changement au niveau de la courbure lombaire ; nous en avons déjà parlé, cette bascule n’est pas bien corrélée à la courbure lombaire ! Cela en soi est un problème, comme l’a démontré Preece en 2008 ICI car la morphologie pelvienne est également VARIABLE, ce qui entraîne des mesures incorrectes.
« Ces résultats suggèrent que les variations de la morphologie pelvienne peuvent influencer de manière significative les mesures de la bascule pelvienne et de l’asymétrie de rotation de l’aile illiaque ».
Voici la distribution de la différence d’un côté par rapport à l’autre de la relation EIAS-EIPS (utilisée pour évaluer l’inclinaison du bassin). Nous pouvons voir que la distribution n’est pas symétrique, il y a en effet une bascule vers l’avant d’un côté par rapport à l’autre sur le plan osseux.
Il se peut donc que nous soyons vraiment mauvais pour mesurer quelque chose qui n’a pas tellement d’importance. OUPS.
ÊTES-VOUS BIAISÉ ?
Une autre question importante pour ceux qui évaluent la posture : êtes-vous PLUS enclin à voir une
« anomalie » de la posture lorsque vous savez que la douleur est présente ?
Cet article ICI le suggère : les auteurs ont examiné la dyskinésie scapulaire ou les postures et mouvements scapulaires anormaux, qui sont souvent proposés comme CAUSE de douleur à l’épaule.
Ils ont comparé 67 personnes souffrant de douleur à l’épaule et 68 sans douleur et ont d’abord constaté qu’il n’y avait aucune différence dans la posture ou le mouvement de l’épaule entre les personnes douloureuses et celles sans douleur.
De manière fascinante, cependant, lorsque les évaluateurs savaient qu’ils évaluaient une personne avec des DOULEURS, ils ont signalé une plus grande prévalence d’un problème de posture ou de mouvement. Cela montre un parti pris en faveur d’une « anomalie » responsable de la douleur, même s’il n’y avait PAS PLUS « d’anomalie » chez les personnes douloureuses par rapport aux personnes sans douleur.
Les auteurs suggèrent également que la dyskinésie scapulaire représente en fait une variabilité normale chez les êtres humains ! Peut-être que s’ils l’évaluaient plusieurs fois, cela donnerait des mesures différentes à chaque fois ?! Il est important de se rappeler que nous n’avons pas de « bonne posture » scientifiquement définie sur laquelle fonder les écarts.
COMMENT LES PERSONNES EN BONNE SANTÉ S’ASSEYENT-ELLES ?
Une autre question : comment les personnes sans mal de dos se comportent-elles réellement ? Ils doivent avoir une excellente posture quotidienne, n’est-ce pas ? En fait, NON.
Cet article ICI montre que les personnes asymptomatiques, au nombre de 50 ici, lorsqu’elles sont assises, S’AVACHISSENT. En position assise après 10 minutes, les angles de flexion de la colonne vertébrale augmentaient de 24 degrés au niveau lombaire et de 12 degrés au niveau des régions thoraco-lombaires par rapport à la position debout ; mais cet avachissement ne semble pas leur poser de problèmes.
Ainsi, les changements des courbures vertébrales semblent être assez indépendants de la douleur, comme nous pouvons le voir ci-dessous.
DONC SI LA POSTURE N’EST PAS VRAIMENT CORRÉLÉE À LA DOULEUR, À QUOI EST-ELLE CORRÉLÉE ?
Cet article ICI montre que les changements d’alignement de la colonne cervicale sont en fait corrélés avec l’âge. Cette étude a divisé les participants en 4 groupes selon leur âge. Ils ont constaté que les mesures des angles du cou étaient toutes corrélées avec la tranche d’âge croissante des 4 groupes.
Le point clé à retenir ici est que l’ensemble des 120 participants n’avait aucune douleur. En fait, les critères d’exclusion ici étaient assez rigoureux et les auteurs ont en fait exclu 64 personnes, soit 1/3 de l’échantillon initial, car elles avaient des douleurs actuelles ou antérieures.
Donc, tout simplement, à mesure que nous vieillissons, notre posture « se dégrade » ou autrement dit elle change… MAIS et c’est un gros MAIS, cela ne semble pas causer PLUS de douleur.
Pour résumer, on ne peut pas simplement dire « mauvaise » posture = douleur, même si cette idée est très largement répandue dans les cabinets, salles de sport ou bars du coin.
POINTS CLÉS
- Les personnes qui souffrent n’ont PAS une posture différente de celles qui ne souffrent pas
- La posture est variable tout comme le mouvement
- Cela signifie que votre évaluation ne vous donne peut-être pas les informations que vous pensez
- Votre évaluation pourrait vous influencer en faveur d’un » problème » postural
- Les postures utilisées tout au long de la journée sont probablement différentes de celles qui sont évaluées
- Au fur et à mesure que nous vieillissons, notre posture change et cela arrive aussi aux personnes qui ne souffrent PAS
Ce billet de blog a été initialement publié sur le site Web de Ben Cormack. Vous pouvez cliquer ici pour lire d’autres blogs du même auteur.
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