Mesurer ce qui compte : maîtriser les tests-retests dans la douleur chronique

8 mins de lecture. Posté dans Douleur
Un article de Steven Collins info

Dans ce blog, je vais vous présenter un cadre permettant de systématiser et de valoriser vos évaluations objectives pour toute personne souffrant de douleur chronique. J’ai beaucoup aimé revenir sur ce sujet ces derniers temps en tant que clinicien plus expérimenté avec un ensemble de compétences spécialisées dans le coaching, le renforcement musculaire et le conditionnement physique. J’ai déjà parlé des défis auxquels la plupart des cliniciens sont confrontés dans la gestion de la douleur chronique dans ce blog sur l’essai RESTORE – qui reflétait également mes expériences antérieures difficiles dans le traitement de la douleur chronique.

En raison du manque de temps et de ressources, les personnes souffrant de douleurs chroniques ne bénéficient souvent pas de la réflexion systémique approfondie dont jouissent nos athlètes. Ce cadre est donc ma tentative d’aider les cliniciens qui ont des difficultés dans ce domaine. Et le voici en quatre mots… Maîtrisez vos tests-retests !

 

Contexte

Avant d’aller trop loin, qu’est-ce que ces « tests-retests » dont on parle ? Fondamentalement, il s’agit de tests répétés et du suivi de marqueurs objectifs au fil du temps. Les médecins du sport et les cliniciens spécialisés dans les performances sont très familiers avec ce type de tests. Un bon exemple est le test de force du quadriceps effectué à plusieurs intervalles au cours d’un programme de rééducation du ligament croisé antérieur (LCA) pour aider à déterminer les prochaines étapes (1, 2).

Cependant, j’ai le sentiment que la douleur chronique peut être un peu plus déconcertante, car la douleur, la force et la fonction ne sont souvent pas aussi bien corrélées (3). C’est pourquoi j’ai élaboré ce diagramme de Venn à trois facteurs afin d’explorer la manière de choisir et d’encadrer vos tests-retests avec vos patients souffrant de douleur chronique. Nous étudierons également comment ce modèle améliore l’adhésion des patients grâce à la théorie des valeurs de consommation (TVC) (4). L’application de la TVC ne vise pas à « vendre votre service », mais plutôt à fournir un service que les gens apprécieront, ce qui est très important, surtout dans le cas de la douleur chronique !

La TVC est divisée en 5 parties – FECSE :

  1. Fonctionnelle : il s’agit de répondre aux besoins du patient dans son contexte (comment vous pouvez l’aider dans son quotidien).
  2. Émotionnelle : concerne l’expérience de l’accès au service (compétences douces du clinicien et interactions, compréhension et empathie, connotations environnementales).
  3. Conditionnelle : l’analyse coût-bénéfice du service. Même s’il répond à une demande fonctionnelle, vaut-il les ressources (monétaires, temporelles, d’opportunité) nécessaires pour y accéder ?
  4. Sociale : il s’agit de votre réputation en tant que service, ainsi que de votre capacité à créer le sentiment d’appartenance/de proximité requis par les théories de la motivation.
  5. Épistémologique : votre service suscite-t-il l’envie d’apprendre chez le patient ? (5) Les patients viennent-ils parce que quelque chose dans le service les rend curieux de manière innée ? Par exemple : « Je me demande ce que mon test va donner cette semaine ».

Ok, la TVC étant expliquée, il faut maintenant vous montrer le modèle…

 

Le modèle de test-retest pour la douleur chronique

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Ce modèle décompose nos choix en matière de tests en trois cercles distincts, mais qui se chevauchent, que nous pouvons décider de tester et de suivre au fil du temps. Le point idéal pour les tests-retests se trouve là où tous ces cercles se rejoignent. Mais décomposons d’abord chacun de ces cercles avant de les réunir :

Cercle 1 – Ce qui compte pour le patient

Dans une certaine mesure, les tests doivent être pertinents par rapport aux objectifs ou aux préoccupations de la personne qui se fait soigner. Les principaux aspects du modèle de TVC qui sont visés sont les perceptions « fonctionnelles, émotionnelles et conditionnelles » de la valeur. En veillant à ce que ce cercle soit pris en compte dans une batterie de tests-retests, vous faites preuve d’empathie et vous comprenez l’importance des coûts par rapport aux avantages de votre service dans le parcours du patient. Leur donner des éléments qu’ils peuvent suivre chez eux en remplacement de vos tests-retests est une bonne pratique pour éviter qu’ils ne deviennent dépendants de vos services (6).

Cercle 2 – Un message clair et cohérent

Ce cercle n’est peut-être pas aussi intuitif. Il est directement lié aux sections sociale, épistémologique et émotionnelle. Idéalement, les tests choisis dans le cadre de la prise de décision partagée ne devraient pas être en contradiction avec le discours que vous jugez le plus apte à faciliter le rétablissement du patient (par exemple, dire à quelqu’un que son dos est solide, mais ensuite avoir trop peur des crises de douleur pour prendre des mesures directes de la force du dos). Ce type de message contradictoire pourrait nuire à l’aspect social et à votre crédibilité. En outre, un message clair et cohérent devrait susciter la curiosité de nos patients quant à la manière dont leurs résultats s’inscrivent dans le récit plus large de la guérison.

NB : Nous pouvons encadrer nos tests de deux manières principales :

1 – Validation de l’expérience du patient. Par exemple : « Ceci est votre limite de tolérance actuelle, donc nous ne devrions pas la dépasser souvent ».

2 – Violation des attentes : la manière dont vous effectuez les tests oblige les patients à se confronter à leurs croyances négatives. Par exemple, en demandant au patient de deviner le résultat d’un test (en général, le résultat sera faible), puis en lui montrant les résultats réels (souvent avec la surprise de voir qu’il a dépassé ses attentes) (7).

Cercle 3 – Données objectives/normes

C’est le fondement même des tests cliniques et de performance. Il s’agit de la capacité à choisir des tests qui présentent une fiabilité et une répétabilité élevées, qui fournissent des données objectives pouvant être suivies dans le temps, idéalement avec des différences minimales cliniquement importantes (Minimal Clinically Important Difference – MCID), et qui présentent des comparaisons normatives. Il ne s’agit pas seulement d’être centré sur le clinicien, mais aussi de faciliter les valeurs fonctionnelles et épistémologiques du patient, afin que les données aient un sens pour lui dans sa vie (8, 9).

J’étofferai un peu plus ces concepts à l’aide d’un exemple courant de mal de dos.

NB : S’il n’y a pas un test qui réponde à tous les domaines, il est préférable d’en avoir plusieurs qui répondent à plus d’un domaine.

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Dans le cas présent, une patiente craignait que son dos ne soit trop fragile pour porter son enfant et que cela lui  » abîme les nerfs ». Dans ce cas, un exemple de message clair et cohérent est de lui dire que son « dos est résilient ». Pour ce faire, nous avons choisi des tests pertinents avec la patiente pour nous aider à déterminer la résilience de son dos au fil du temps. Ces tests présentent des données normatives ou objectives reproductibles qui peuvent contribuer à apaiser les inquiétudes de la patiente et l’aider à se familiariser avec son état.

Dans le cas présent, nous avons choisi une batterie de tests comprenant le Test Isométrique Mid-Thigh Pull (traction isométrique à mi-cuisse, IMTP), le Straight Leg Raise (ou signe de Lasègue, SLR) et un examen neurologique de la colonne lombaire comprenant la dynamométrie et les réflexes. Avec la patiente, vous conviendrez d’un calendrier approximatif de tests-retests pour ces mesures.

Cette vidéo présente un exemple du déroulement de cette conversation :

Le fait de respecter scrupuleusement ces calendriers de tests peut constituer une étape importante pour aider le patient à se familiariser avec les éléments qui ont un impact sur sa fonction et son état de santé. Il est important de ne pas se focaliser sur un seul point de données, mais plutôt sur la tendance. Les séances de tests individuels sont un excellent moyen d’expliquer comment les effets de la douleur chronique peuvent fluctuer en fonction de la charge allostatique actuelle du patient (10).

 

Conclusion

Nous y voilà. J’espère que ce modèle de test-retest à trois facteurs vous aidera à fournir en toute confiance un service que vos patients souffrant de douleur chronique apprécieront.

Si vous voulez en savoir plus sur la prise en charge de la douleur chronique par les experts, regardez la Masterclass de Mike Stewart sur le guide pratique de la thérapie de la douleur persistante !

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