Zone douloureuse : mettre en charge ou protéger ?

5 mins de lecture. Posté dans Douleur
Un article de Eric Bowman info

L’un des plus grands changements en kinésithérapie au cours des dernières années est le regard porté sur les exercices ; en effet, alors qu’ils étaient proscrits pendant un moment, ils sont à présent considérés comme nécessaires, et les exercices avec mise en charge jusqu’à atteindre le seuil douloureux sont désormais normalisés (1).

Néanmoins, cela ne s’applique pas à tout le monde : en effet, alors que certains devraient éviter la douleur, d’autres doivent cesser de fuir tout mouvement douloureux.

Dans cet article, je propose quatre points à prendre en compte lorsqu’il faut choisir entre donner des exercices avec poids, même si c’est douloureux, ou protéger la zone douloureuse.

En aparté : je vous recommande également de lire ces articles de Ben Cormack (2) et de moi-même (3) ainsi que la Masterclasse de Ben sur l’exercice pour traiter la douleur chronique (4) afin d’avoir une meilleure compréhension des aspects pratiques sur ce sujet.

Avertissement : mes propos ne sont pas dichotomiques, et les patients ne rentrent pas toujours parfaitement dans ces catégories. De plus, comme pour tous les cas cliniques douloureux, avant toute chose, il est important d’exclure les drapeaux rouges et les pathologies tissulaires graves.


Point #1 : Temps écoulé depuis l’apparition de la douleur

Dans les blessures aiguës à subaiguës, la douleur remplit sa fonction.

Vous n’irez pas courir avec un œdème à la cheville après une entorse, et vous ne vous amuserez pas à faire des Jefferson Curls [flexion de la colonne en position debout] le lendemain du jour où vous vous êtes fait mal au dos en portant votre lessive. Dans ces situations, pour la plupart des cas, il est logique de protéger la zone douloureuse, au moins pendant un certain temps.

En revanche, si 3 ans se sont écoulés depuis l’épisode malheureux de la lessive, et que vous êtes toujours aussi raide qu’une planche en bois, peu importe la position dans laquelle vous êtes (assis ou debout), vous pouvez probablement vous pencher un peu, même si c’est douloureux.

La seule exception à la règle est la suivante : pour les patients en post-chirurgie, pour qui une certaine douleur au début est normale, il y a une fenêtre d’opportunité étroite pour leur permettre de retrouver une amplitude de mouvement adaptée.


Point #2 : Présentation de la douleur

Pour une douleur nociceptive, ou ce que certains appellent une présentation de la douleur « mécanique », il semble logique d’éviter les activités douloureuses et de protéger la zone douloureuse. Par ailleurs, si le dos n’est douloureux qu’en fin d’amplitude du mouvement en flexion, il est possible de faire le hip hinge et d’utiliser ce que Stu McGill appellerait un « mouvement d’épargne de la colonne vertébrale ».

Si vous avez un patient qui souffre constamment et dans tous les mouvements, y compris la flexion, le hip hinge, le Big 3 de McGill, la position assise, la station debout, la marche, la position allongée, etc., il est totalement irréaliste et peu pratique de fuir la douleur pendant l’exercice. La seule exception à cela est, comme vu plus haut, pendant la phase inflammatoire d’une blessure.


Point #3 : Présence de facteurs psychosociaux et de comportements d’évitement

Si les patients sont coopératifs et s’ils n’ont pas de facteurs psychosociaux majeurs liés à la douleur ou au mouvement (ex. kinésiophobie, peur-évitement, hypervigilance, préférence envers les traitements passifs), je les fais alors travailler dans l’amplitude de mouvement en infra douloureux.

Quand je vois des patients qui font attention à leur moindre geste et qui ont peur de faire le moindre mouvement–je ne vais pas renforcer l’idée que la douleur est mauvaise pour eux, et que les mouvements douloureux doivent être évités, car cela envoie tout simplement le mauvais message.

Si je vois des patients qui ont de nombreux comportements d’évitement et un schéma de douleur de «sensibilisation» général, et ce tout de suite après leur blessure, j’utiliserai une approche d’exposition graduelle. Tout ceci sera réalisé après m’être assuré que nous ayons dépassé la phase inflammatoire précoce et exclu les drapeaux rouges ou pathologie tissulaire grave nécessitant une prise en charge chirurgicale ou médicale.


Point #4 : Objectifs du patient

Certaines activités liées aux objectifs peuvent nécessiter d’aller chercher la douleur. La plupart des cas de prothèse de genou avec lesquels je travaille actuellement ont pour objectif de marcher normalement sans aucune aide. Pour ces patients, il faudra travailler tôt dans la douleur afin de développer l’endurance de la marche, améliorer le schéma de marche et atteindre l’amplitude de mouvement nécessaire pour permettre tout cela.

En revanche, certains objectifs peuvent être atteints sans pour autant rester en infra douloureux. Prenons pour exemple un patient powerlifter souffrant de maux de dos qui s’aggravent en fin de mouvement de flexion. Il faut lui apprendre à garder une colonne vertébrale neutre (ou une colonne vertébrale aussi neutre que possible) lors du soulevé de terre, et à faire des exercices isométriques plutôt que dynamiques, et boum – grâce à cela, il pourra sans doute à nouveau soulever, sans douleur et sans problème.

La question de savoir s’il faut ou non mettre en charge jusqu’à atteindre la douleur est complexe et très controversée.

Le temps écoulé depuis l’apparition de la douleur, la présentation de la douleur, les facteurs psychosociaux, les comportements d’évitement et les objectifs, sont tous des facteurs critiques à prendre en compte pour décider quand mettre en charge ou protéger.

Encore une fois – merci d’avoir lu.

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