Ce que nous savons sur l’entraînement par restriction du flux sanguin
La ‘restriction du flux sanguin’ est un terme que les kinésithérapeutes entendent de plus en plus ces derniers temps, et pour des raisons légitimes. Il existe plus de mille articles de recherche sur l’innocuité et l’efficacité de l’entraînement par restriction du flux sanguin (ERFS) dans le domaine de la réadaptation physique et de l’amélioration des performances sportives. Certains s’attendent à ce que l’ERFS complète la façon dont nous traitons quotidiennement certains troubles musculo-squelettiques et modifie les protocoles de rééducation postopératoire. Il y en a d’autres qui remettent encore en question cette méthode, ou qui n’ont jamais pu la voir en pratique. Le but de cet article est de faire la lumière sur ce qu’est l’ERFS, ses différentes applications, et surtout comment l’utiliser en toute sécurité.
Définition de l’ERFS
L’ERFS fut développé par Yoshiaki Sato en 1966 au Japon, sous le nom de Kaatsu. Son principe est d’appliquer des occlusions brèves et intermittentes du flux sanguin artériel et veineux à l’aide d’un garrot au repos ou durant l’exercice. En utilisant cette technique, il est possible de réaliser des exercices en utilisant beaucoup moins de poids (20-30 % 1RM) tout en réalisant des gains significatifs de taille et de force musculaire.1, 2 L’ERFS constitue une réelle opportunité pour mieux atténuer les effets des blessures et les effets de la chirurgie pendant des phases de rééducation spécifiques.
Le dilemme actuel de la kinésithérapie : l’atrophie musculaire
En tant que kinésithérapeute, il peut être extrêmement difficile de lutter contre l’une des principales conséquences négatives des blessures et / ou de la chirurgie : l’atrophie musculaire. Ceci est particulièrement vrai lorsque les patients ne peuvent tout simplement pas tolérer les exigences nécessaires pour stimuler la croissance musculaire. Cela peut être dû à la douleur, à une faible capacité des tissus, à l’absence d’appui, aux précautions liées à la charge ou simplement au fait qu’une personne ne puisse tolérer l’effort ou la fatigue associée à des exercices d’intensité modérée à élevée. Si seulement il y avait un moyen de faire faire des exercices à nos patients en toute sécurité, et avec des charges sous-maximales !?
Une solution viable : ERFS
D’après les connaissances en physiologie de la croissance musculaire, nous savons que nous devons induire suffisamment de stimuli mécaniques OU métaboliques afin de permettre une hypertrophie musculaire.3 Considérez les stimuli mécaniques comme la charge externe : plus le poids est lourd et plus la tension mécanique est élevée. Les stimuli métaboliques quant à eux se comparent à l’intensité du travail musculaire. En exemple on peut citer le sprint qui génère plus de stress métabolique que la marche. La littérature scientifique nous indique qu’il faut au moins 12 à 16 semaines de travail à 60-80 % 1RM pour induire une hypertrophie musculaire.4 Cependant, une hypertrophie similaire peut également être atteinte en travaillant à des charges plus faibles (30-50 % 1RM) jusqu’à l’incapacité à réaliser le mouvement. Cela peut s’expliquer par la relation entre les stimuli mécaniques et métaboliques – le stress métabolique peut compenser une faible tension mécanique pour induire des gains musculaires positifs.
Comment l’ERFS s’intègre-t-il dans cette équation ? Bien que les mécanismes ne soient pas entièrement compris et que nous ne soyons pas certains de l’ordre chronologique, nous savons qu’un ERFS correctement effectué entraîne une augmentation de la taille, mais aussi de la force musculaire. En effet, en plaçant un garrot sur un membre et en diminuant donc l’apport artériel et l’écoulement veineux, un stress métabolique se développe. Effectuer un ERFS avec un appareil approprié (sur lequel nous reviendrons plus tard) crée un environnement anaérobique dans le membre en raison de la diminution de l’apport d’oxygène. Les exercices effectués à faible niveau (ou même au repos) engendrent des adaptations locales et systémiques qui sont bénéfiques pour le système musculo-squelettique.
Quelles sont les différentes applications de ERFS ?
Il est important de noter que l’ERFS ne change rien à notre pratique en tant que kinésithérapeute, il ne fait qu’améliorer les résultats souhaités pour les patients. C’est l’une des premières déclarations que je fais à propos de cette technique lorsque je la présente, particulièrement à un kiné ! Notre objectif est d’aider les gens à se remettre d’une blessure ou d’une intervention chirurgicale, à mieux bouger, à réaliser de meilleures performances et à les amener à une capacité plus élevée. Nos buts restent donc identiques. TOUTEFOIS, la façon dont nous arrivons aux résultats souhaités (et le temps requis pour y arriver !) peut être améliorée grâce à l’ERFS. Cela est particulièrement vrai lorsque certains de nos patients ne peuvent tolérer que des charges et des intensités très faibles qui, nous le savons, ne les font pas travailler suffisamment.
Ce qui est incroyable avec cette technique, c’est qu’elle peut être bénéfique tout au long du continuum de soins. Que vous l’utilisiez avant la chirurgie, immédiatement après la chirurgie ou une blessure, pendant les phases de rééducation, et même en vue d’améliorer la performance et la récupération, l’ERFS a sa place ! Preuves à l’appui, un ERFS avec un entraînement en résistance à faible charge (20-50 % 1RM) peut entraîner des gains de taille et de force musculaire.1, 5 Certaines études suggèrent également que l’ERFS peut être bénéfique pour les os,5au niveau du système cardiovasculaire (notamment en augmentant la VO2 max), 6 et peut même améliorer l’activation musculaire, la perfusion sanguine et l’endurance après des chirurgies telles qu’une plastie du LCA.7.
L’ERFS est-elle une technique sûre ?
La sécurité avant tout ! Cette technique n’est pas pour tout le monde par rapport au niveau de tolérance et de la sécurité. Toutes les premières études sur l’ERFS étaient axées sur son innocuité en raison des préoccupations liées à la formation potentielle de caillots sanguins, aux lésions musculaires, à la pression artérielle, etc. Alors, que dit la recherche ?
“L’ensemble de la littérature semble indiquer qu’une prescription appropriée d’ERFS présente peu de risques de provoquer directement une thrombose veineuse (TV).”8
Ce que nous avons également appris, c’est que les garrots seuls ne présentent pas de risque de coagulation. Une autre étude a révélé que les garrots induisent une augmentation de l’activateur tissulaire du plasminogène ou tPA (une enzyme fibrinolytique qui décompose les caillots) immédiatement après un ERFS.9 Ce que la recherche suggère également pour éviter les risques potentiels liés à la pose d’un garrot (comme une lésion du tissu nerveux, des lésions cutanées, de la douleur) c’est que l’ERFS doit être appliqué avec des brassards plus larges, avec des pressions plus faibles et pour des durées spécifiques (pas plus de 20 minutes).
Vous pouvez en apprendre plus sur les contre-indications de l’ERFS dans le tableau en bas de cet article. Une règle de base est que, tant que la personne n’a pas l’une de ces contre-indications et peut tolérer un exercice de résistance à haute intensité, elle peut probablement tolérer l’ERFS. Cependant, il est important de vous renseigner et d’obtenir la certification en ERFS [valable pour les États-Unis]. La FDA [éq. de l’ANSM aux États-Unis] ne répertorie que deux dispositifs médicaux ERFS (Smart Cuffs et la Delfi Unit), garantissant leur sécurité d’utilisation. Dans le cadre d’un ERFS, nous recommandons d’ailleurs d’utiliser seulement l’un ou l’autre de ces dispositifs, car ils permettent un protocole personnalisé. En effet, ces dispositifs d’ERFS mesurent en temps réel la pression d’occlusion des membres (POM). Il s’agit de la pression minimale nécessaire pour obstruer suffisamment les artères (profondes) tout comme les veines (superficielles). La POM peut varier pour chaque individu, même d’un membre à l’autre. Il est impératif d’effectuer des ERFS à des POM spécifiques (jusqu’à 50 % pour les membres supérieurs et 80 % pour les membres inférieurs) afin obtenir les résultats observés lors des essais cliniques. Cela n’est possible qu’avec des garrots qui permettent un réglage fin et régulier de l’occlusion.
Observations finales
L’ERFS n’est pas pour tout le monde, mais c’est une technique qui gagne rapidement en popularité dans le monde de la rééducation. Il est important que tous les kinés se tiennent au courant de ces nouvelles techniques afin qu’ils puissent répondre aux questions et attentes de leurs patients. Plus important encore, s’il existe une technique sûre et étayée par la recherche qui peut donner de meilleurs résultats auprès des patients, c’est quelque chose que nous nous devons de leur apporter quand les conditions le permettent.
📚 Restez à la pointe de la recherche en kiné !
Chaque mois, notre équipe d'experts décompose les recherches cliniquement pertinentes sous forme de résumés de cinq minutes, immédiatement applicables au cabinet.
Essayez gratuitement notre revue pendant 7 jours !
Références
N'hésitez pas à partager ce blog !
Blogs associés
Voir toutVous voulez savoir quand nous publions des nouveaux blogs ?
Inscrivez-vous à notre newsletter dès maintenant!
En entrant votre adresse e-mail, vous acceptez de recevoir des e-mails de Physio Network, qui vous enverra des messages conformément à sa politique de confidentialité.
Un petit commentaire ?
Si vous avez une question, une suggestion ou un lien vers une recherche similaire, partagez-la ci-dessous !