La quantification de l’exercice pour la douleur est différente de celle pour le fitness !
La quantification de l’exercice en rééducation est toujours source d’incertitude en pratique clinique. D’une part, nous avons la pensée moderne qui favorise une charge et une quantité plus élevées pour les patients et, d’autre part, nous avons le modèle traditionnel de charge et de quantité inférieures qui a probablement évolué pour minimiser le risque de scénarios indésirables tels que l’augmentation de la douleur et la diminution de la confiance des patients en leur thérapeute.
Actuellement, nous avons des recommandations de quantification basique, qui se concentrent sur les caractéristiques physiques impliquées en rééducation. Mais si nous prenons l’objectif principal de la rééducation, réduire la DOULEUR, et si nous explorons avec objectivité notre base de connaissances actuelles, nous ne connaissons pas réellement les séries et les répétitions, ou d’autres paramètres de quantification, que nous pouvons utiliser pour obtenir un résultat fiable sur la douleur de nos patients.
Si nous examinons la base de recherches actuelles sur les exercices de rééducation, nous constatons régulièrement que les intervalles de confiance autour de l’effet moyen sur la douleur passent par zéro, ce qui signifie que la possibilité d’un effet important, faible, nul ou même négatif est toujours possible.
Paramètres bruts de la quantification actuelle
- Endurance 12+ 2-3 séries
- Hypertrophie 6-12 répétitions, 3-6 séries
- Force 6 répétitions ou moins, 2-6 séries
- Puissance 1-2 répétitions, 3-5 séries
Malheureusement, la relation avec la douleur est bien difficile à établir, ce qui est à la fois logique et déroutant. Nous savons que la douleur est une expérience multidimensionnelle, il est donc délicat d’établir un lien fiable avec un seul et unique facteur. Il se peut également qu’un facteur ait un effet sur de multiples éléments associés à la douleur, ce qui complique bien les choses. Peut-être que la clé ici est le terme « fiable ».
Donc, si nous voulons améliorer ces aspects physiques en rééducation, nous devons travailler avec certains paramètres. La question est de savoir si nous pouvons simplement extrapoler ce que nous savons sur l’exercice à l’exercice en rééducation et la douleur ?
Personnellement, je ne le crois pas.
Il NE serait PAS juste d’affirmer que les paramètres physiques ne sont pas importants ; il est tout aussi imprudent ou incorrect d’affirmer, selon un point de vue traditionnel de l’exercice, que la posologie d’exercice a un effet prévisible sur la douleur.
Un principe souvent discuté en relation avec la programmation d’exercices est le principe SAID, Specific Adaptation to ImposedDemand [adaptations spécifiques aux demandes/contraintes imposées], cela signifie que le corps s’adaptera toujours au stimulus appliqué. C’est un principe qui sera toujours vrai, bien que la manière dont le corps s’adapte soit encore assez individuelle et souvent difficile à prévoir.
MAIS le problème est que nous nous attendons à ce que les objectifs que nous pouvons spécifiquement cibler avec nos connaissances actuelles en matière de quantification, par exemple la force avec une fourchette de 6 répétitions ou moins, auront une relation prévisible et spécifique avec UN AUTRE objectif thérapeutique, LA DOULEUR.
Nous ne sommes donc pas vraiment précis dans ce cas, car il existe un décalage entre l’objectif physique ciblé, les paramètres de quantification associés et le résultat sur la douleur.
Plutôt que de se contenter d’adaptations physiques, une vision moderne de la rééducation ciblerait certains éléments que l’exercice pourrait influencer et qui ont un impact positif sur les patients. Pour obtenir un effet spécifique de ces éléments, nous devrons peut-être penser à une programmation spécifique pour atteindre ces résultats, plutôt que de suggérer que notre quantification actuelle en rééducation les améliorera automatiquement.
Objectifs thérapeutiques :
- Douleur (le grand facteur de confusion)
- Fonctions spécifiques (les qualités physiques en font partie, mais ne sont pas les seules)
- Diminution de l’appréhension et conséquences psychologiques (qui s’avèrent très importantes dans les résultats et le pronostic)
- Confiance et motivation
- Liberté de mouvement/relaxation
- Stratégie de mouvement
- Adhésion
RECHERCHES SUR L’EXERCICE
Si nous prenons un travail récent d’O’Neill qui a exploré l’analgésie aiguë (court arrêt de la douleur), nous voyons que la quantification utilisée dans cette étude et les réponses individuelles ont produit des réponses variables sur la douleur, parfois la faisant même augmenter, particulièrement si la douleur de base du patient était élevée.
Un autre article s’intéresse à l’effet de différents types d’exercices sur la douleur, et un article discute des mécanismes et de l’individualité de la réponse de la douleur à l’exercice.
Jetons un coup d’œil à certaines études de comparaison d’exercices, dans lesquelles la douleur faisait partie du critère de jugement principal. Nous voyons que différents programmes avec différents paramètres de quantification ont des résultats similaires. Nous devons également être conscients que si nous examinons l’effet moyen de l’exercice sur la douleur, cela peut masquer les répondeurs faibles et élevés aux différents niveaux de quantification.
Cette étude a comparé des programmes d’exercices à charge faible et élevée pour la tendinopathie de la coiffe des rotateurs.
Une étude a comparé une charge élevée (soulevés de terre) et une charge faible (exercices de contrôle moteur) pour les rachialgies. La conclusion de la recherche de ce groupe était qu’une charge plus élevée était plus applicable pour ceux qui ressentaient moins de douleur.
Cette étude a exploré différents programmes de mise en charge pour la tendinopathie d’Achille.
TOLÉRANCE
On ne devrait pas s’attendre systématiquement à ce que l’exercice réduise la douleur à court terme, comme nous pourrions le voir avec le concept d’exercices pour modifier les symptômes. Au lieu de cela, ce serait le mouvement avec une douleur TOLÉRABLE qui augmenterait le sentiment d’efficacité personnelle sur la douleur ; et maintenir le corps en mouvement pendant la douleur est tout aussi important.
Rappelez-vous que la tolérance doit vraiment être DÉFINIE PAR LE PATIENT. L’exercice a le potentiel d’augmenter la douleur de nos patients ainsi que de la réduire, et tout praticien ayant exacerbé la douleur d’un patient avec de l’exercice le sait ! Le concept de charge optimale concerne vraiment les adaptations tissulaires/physiologiques, mais peut-être devons-nous également appliquer ce concept aux adaptations et à l’augmentation de la douleur, au maintien des niveaux symptomatiques actuels et également à la diminution de la douleur.
Nous savons que faire de l’exercice AVEC de la douleur n’empire pas les résultats, comme expliqué ici. Un blog précédent rédigé par mes soins en parlait ici.
ÉTAT ACTUEL DU PATIENT
Dans le concept de tolérance, nous devons également nous intéresser à l’état actuel de notre patient concernant la quantification. Pour moi, il est difficile de concilier le concept de tolérance avec un modèle de changement de force, amplitudes, etc. car cela ne prend pas en compte ce qui pourrait influer sur la tolérance de nos patients à l’exercice.
Ce qui peut influer sur la tolérance à la douleur de nos patients
- Niveaux précédent/actuel d’exercice
- Niveaux de stress
- Qualité de sommeil
- Quoi que ce soit associé à l’augmentation du seuil de douleur
Un de mes outils de raisonnement clinique préférés est l’analyse SIN de Maitland. Ne nous intéressons pas trop à la Nature (type de douleur), mais plutôt à la Sévérité (quel est le niveau de douleur actuel) et l’Irritabilité (depuis combien de temps cela fait mal en fonction du stimulus appliqué). Tout cela entre dans le concept moderne de sensibilité. Un des facteurs clés de la sensibilité est la disproportion du stimulus et de la réponse (niveau et durée de la douleur, ou sévérité et irritabilité). Cela alimenterait notre raisonnement clinique en réduisant le stimulus ou la quantité d’exercices, de concert avec les niveaux de sensibilité.
MESURE DE PERCEPTION DE L’EFFORT (RPE)
Un des outils que j’utilise pour mesurer la quantification et le niveau d’effort : l’échelle de Borg. Ceci est bien plus subjectif qu’utiliser des séries/répétitions d’une manière traditionnelle, mais souvenez-vous que la douleur est une expérience subjective !
L’une des choses les plus difficiles est de garder notre quantification d’exercices dans les limites tolérables au début, lorsque nous ne connaissons pas la réponse de nos patients. J’ai tendance à utiliser l’EVA (je sais que ce n’est pas une bonne mesure !) en comparaison à la RPE. Donc si l’EVA était haute, je m’assure que le niveau d’effort était inférieur. J’ai tendance à trouver que cela maintient les réponses dans des limites tolérables, mais bien sûr pas toujours.
J’appelle cela la règle de 10, donc les deux nombres s’additionnent pour faire…..10, vous l’aviez deviné ! Exemple : si l’EVA est à 7, j’essaie de maintenir le RPE à 3. Si la douleur est faible, à 3 par exemple, j’assurerais un RPE à 7.
Mais si vous sentez que votre patient est très stressé, appréhende ou n’a pas suffisamment dormi, il se peut que l’un de ces facteurs doive être pris en compte dans le processus de réflexion de la quantification si vous souhaitez maintenir une réponse tolérable.
SURVEILLEZ LA RÉPONSE À LA QUANTIFICATION
La chose la plus importante est de surveiller la réponse à la quantification. Disons que nous essayons raisonnablement et que nous gardons une perception de l’effort basse à cause d’une EVA plus élevée, et que le patient le trouve facilement tolérable, alors nous savons que nous pouvons le pousser un peu plus et le charger davantage. Si nous avons une réaction inverse, même avec un faible effort et une faible charge, nous devrons diminuer encore.
Acceptez l’essai / erreur
Nous ne saurons jamais vraiment quelle devrait être la bonne quantification jusqu’à ce que nous l’appliquions réellement, puis surveillions la réponse. Donc, ce n’est pas grave de ne pas savoir ce qui va se passer, utilisez simplement votre cerveau et acceptez de vous tromper parfois. Ne paniquez pas, ajustez simplement la quantification, et expliquez que cela est normal, que ce n’est pas une science exacte, mais souvent des essais et des erreurs.
LES GENS VOUDRONT TOUJOURS DES CONSIGNES ET DIRECTIVES
Un des problèmes est que les patients voudront toujours savoir combien ils doivent faire, et avoir des directives. Cela se termine généralement par 3 × 10, une fois par jour (soyez honnête, vous l’avez déjà dit !). Et je peux comprendre pourquoi on prescrit cela, car il est vraiment difficile d’être plus précis. C’est pourquoi il est important d’expliquer qu’il s’agit d’essais et d’erreurs avec un bon raisonnement clinique, et d’aider également le patient à comprendre ce qu’une inflammation peut signifier.
CONCLUSION
- Nous n’avons actuellement pas de quantification d’exercice pour la douleur
- La douleur ne répond pas de manière cohérente aux paramètres actuels de quantification
- Il y a d’autres objectifs thérapeutiques que les aspects physiques
- Les données scientifiques n’étayent pas les propositions de quantification en rééducation
- Pensez à l’état actuel du patient en ce qui concerne les niveaux de quantification
- Utilisez le raisonnement clinique
- Acceptez l’essai /erreur
Ce blog a été initialement publié sur le site Web de Ben Cormack. Vous pouvez cliquer ici pour lire d’autres billets de blog de cet auteur.
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