Un guide kiné de la pliométrie
De nombreux kinésithérapeutes considèrent la pliométrie comme étant hors de leur zone de confort. Cependant, des recherches prometteuses ont été menées récemment et indiquent des bienfaits significatifs en termes de santé et de performance qui peut être tiré d’un programme d’entrainement pliométrique approprié. L’amélioration de la densité minérale osseuse (1), la diminution du risque de chute chez le patient âgé (2), l’amélioration des propriétés des tendons (3), l’amélioration de l’efficacité et de la vitesse de course (3-5), et l’amélioration générale des performances sportives des athlètes (3, 5, 7) nous sont d’un grand intérêt clinique.
C’est la raison pour laquelle de nombreux kinésithérapeutes cherchent maintenant à se perfectionner dans le domaine de la pliométrie.La compréhension du continuum évolutif de la pliométrie des membres supérieurs et des membres inférieurs peut permettre aux praticiens d’optimiser le processus de rééducation que j’ai décrit dans mon blog précédent sur le continuum de rééducation (8).
Les exercices pliométriques se situent sur un continuum d’intensité en termes de forces biomécaniques imposées au corps. Cela peut même changer avec des variations subtiles du même exercice pliométrique. Par conséquent, vous n’êtes réellement limité que par votre imagination pour concevoir des exercices pliométriques adaptés aux objectifs de votre patient ou de votre athlète.
Les trois composantes de la pliométrie
Avant d’entrer dans le vif du sujet, rappelons les bases de la pliométrie.
Les exercices pliométriques sont généralement décrits en trois phases d’action de l’unité musculo-tendineuse:
Excentrique
C’est la phase où l’unité musculo-tendineuse se déforme sous l’effet d’une charge créée par un étirement rapide. Au cours de cette phase, l’énergie cinétique est utilisée pour créer une contrainte sur les composants élastiques en série de l’unité muscle-tendon (UMT). Pendant ce temps, le muscle agit principalement pour rigidifier le tendon avec une pré-contraction isométrique, puis s’allonge légèrement de manière excentrique lorsque les degrés d’anglede l’articulation changent.
Amortissement
Cette phase est la transition entre les phases excentrique et concentrique. C’est là que l’énergie cinétique est transférée et stockée sous forme d’énergie potentielle élastique en fonction du degré de rigidité ou de compliance du tendon. Il s’agit en quelque sorte d’un ressort chargé prêt à revenir rapidement à sa longueur. Plus cette phase est rapide, plus l’énergie élastique sera transformée en énergie cinétique pour la phase concentrique à venir. Les muscles travaillent ici de manière isométrique afin de faciliter le travail du tendon qui agit à la façon d’un ressort.
Concentrique
C’est à ce moment que l’énergie potentielle élastique stockée se transforme à nouveau en énergie cinétique et se combine aux forces de contraction musculaire consciente et réflexe associées. Le résultat final est une propulsion explosive du centre de masse du système dans la direction appliquée (3,6,7).
Conseils cliniques pour la pratique
Une performance pliométrique « plus rapide / explosive » sera le signe de :
- Une pré-contraction forte et efficace
- Un tendon plus ‘rigide’
- Des changements d’angle de l’articulation en phase excentrique faibles à modérés
- Une phase d’amortissement plus rapide
Des performances pliométriques « plus lentes / contrôlées » indiqueront le contraire:
- Une ampleur plus faible de la pré-activation
- Un tendon plus souple
- Des angles articulaires excentriques plus élevés
- Une phase d’amortissement plus lente
Cela est important de savoir lorsqu’on rééduque des athlètesde sports différents, qui privilégient des qualités pliométriques différentes (par exemple, un joueur de beach volley par rapport à un coureur de haies).
Progressions pliométriques
Je divise généralement les prescriptions d’exercices pliométriques en quatre phases. Celles-ci servent de points de contrôle sur le spectre de l’intensité de charge.
Tout exercice pliométrique se situe quelque part sur ce spectre et présente des caractéristiques plus proches d’une phase ou d’une autre. Vous trouverez ci-dessous un exemple illustré de différents exercices pliométriques et des qualités biomotrices spécifiques qu’ils entraînent (7).
Phase d’absorption de la force
Cette phase est axée sur la partie excentrique et consiste à enseigner au patient comment décélérer la masse du système de la manière la plus sûre et la plus efficace possible.Pour limiter les risques, nous voulons d’abord procéder à un examen clinique de la région, ainsi qu’à quelques évaluations fonctionnelles préalables. Avant d’entamer cette première phase de pliométrie, le patient doit présenter les caractéristiques suivantes:
- Une douleur minime
- Un gonflement minime
- Une mobilité pratiquement complète
- Une force et une endurance musculaires > 60 % du côté non affecté
- Au niveau des membres inférieurs :
- Un bon équilibre unipodal (yeux ouverts > 30 secondes)
- Un bon contrôle neuromusculaire (maintien d’un bon alignement pendant le squat unipodalen semi-profondeur)
Cette phase consiste en des exercices très basiques:
- Membres inférieurs : atterrissages de haut en bas, atterrissages en altitude, réentraînement de la mécanique de course, rattrapages après un départ en chute
- Membres supérieurs : réception de pompes en chute inclinée, réception d’un ballon.
Pour augmenter la difficulté de cette phase, vous pouvez augmenter la hauteur des exercices de réception, ajouter une charge externe ou même une perturbation de l’équilibre. L’objectif principal de cette phase est de construire les schémas de mouvements de décélération souhaités de façon solide afin d’atteindre l’objectif fixé.
Phase de création de force
Cette phase marque le début de notre évaluation et de l’entraînement de la partie concentrique du mouvement pliométrique, ainsi que de la mise en place d’une phase d’amortissement unique.
L’évaluation bilatérale et unilatérale des détentes horizontale et verticale maximales au début de cette phase peut être utile pour la programmation et l’identification des risques. Pour être confiant dans la possibilité de programmer des exercices dans cette phase, il est préférable d’obtenir un LSI (LimbSymmetry Index, indice de symétrie des membres) de 70 % pour la force musculaire.
Que vous fassiez des exercices de création de force verticale (tels que des sauts verticaux assis) ou des exercices horizontaux (tels que des sauts en longueur), le patient devra terminer par une phase excentrique de force supérieure moins contrôlée. On peut donc considérer que la maîtrise de la phase précédente est une condition préalable dans la plupart des cas.
Cette phase comprend les types d’exercices suivants :
- Membres inférieurs : saut vertical assis, box jump, saut en longueur, sautillement à un pied, mouvementd’arraché.
- Membres supérieurs : pompe inclinée pliométrique en une répétition, lancer de balle au sol.
Pour augmenter la difficulté de cette phase, vous pouvez augmenter la hauteur, la longueur ou la charge.
Phase du cycle d’étirement-raccourcissement
Cette phase implique l’évaluation réelle et la progression de l’unité musculo-tendineuse vers les mouvements spécifiques aux objectifs sportifs. C’est ici que nous mettons en place plusieurs contacts de certains des mouvements précédents en une seule répétition. Nous testons ici l’efficacité du cycle d’étirement-raccourcissement pour emmagasiner puis libérer de l’énergie grâce à de multiples contacts contrôlés.
Les évaluations que nous avons effectuées précédemment devraient être proches de 90% du LSI et nous pouvons également effectuer des évaluations à contacts multiples (par exemple, le triple crossover hop) pour aider à guider la programmation et la progression.
Veillez à surveiller les stratégies d’absorption et de création de force à mesure que le nombre de contacts par répétition augmente (par exemple, la deuxième réception et le deuxième saut d’un triple hop peuvent faire appel à une stratégie différente de la première). Il faudra probablement beaucoup d’entraînement pour s’assurer que les stratégies appropriées soient utilisées.
Cette phase comprend les types d’exercices suivants :
- Membres inférieurs : sautillements, rebonds, sauts multi-contacts, skaterhops, squats sautés lestés,power cleans(épaulés).
- Membres supérieurs : pompes pliométriques, push press(développé militaire), réception et lancer de médecine ball.
Pour augmenter la difficulté/l’intensité de cette phase, vous pouvez augmenter la hauteur, la longueur ou la charge.
Phase de sollicitation maximale
C’est au cours de cette phase que nous voulons préparer au mieux le patient à reprendre l’activité qu’il s’est fixée. Il s’agit ici d’évaluer et d’entraîner la capacité à gérer des intensités pliométriques plus élevées que les intensités spécifiques à la tâche fixée.
Toutes les évaluations précédentes doivent être supérieures à 95 % du LSI et nous devons tester ces compétences dans des tâches spécifiques à l’objectif.
Le niveau de contrôle/chaos dans les exercices pliométriques devrait pencher en faveur du chaos (c’est-à-dire plus dynamique et réactif). Il s’agit ici de vérifier la robustesse des schémas moteurs précédemment construits aux niveaux d’intensité les plus élevés.
Cette phase se compose des types d’exercices suivants :
- Membres inférieurs : Depth jump+/- enchaîné avec un autre saut, sauts/réceptions spécifiques à un sport (par exemple les marksdans le football australien), sauts multidirectionnels à contacts multiples.
- Membres supérieurs : Shoulderhops, push jerk (jeté), rattrapages réflexes, rebonds réflexes de ballon de mur.
Pour augmenter la difficulté de cette phase, vous pouvez augmenter la hauteur, la longueur ou la charge.
Prescrire la pliométrie
Nous savons donc ce qu’est la pliométrie et qu’il existe un continuum d’intensité d’exercice à travers les quatre phases décrites précédemment ; mais comment prescrire une charge pliométrique ?
Pour répondre à cette question, des travaux ont été réalisés à ce sujet et j’aime les diviser en deux types de prescription différents.
Programmation « Pliométrie uniquement » :
- Débutant : 80-100 « contacts » par semaine
- Intermédiaire : 100-120 contacts par semaine
- Avancé : 120-140 contacts par semaine
- Répartis sur 2 à 3 séances par semaine, avec un minimum de 48 heures entre les séances.
Programmation selon un modèle mixte (pliométrie + autre entraînement):
- Par séance : 2 à 5 séries, 1 à 6 contacts par série
- Répartis 2 à 3 fois par semaine, avec un minimum de 48 heures entre les séances
N’oubliez pas d’équilibrer le stress appliqué tout au long du programme de votre athlète. Ainsi, si votre patient sportif suit un programme de pliométrie uniquement, son volume (nombre de contacts) peut être beaucoup plus important que s’il fait de la pliométrie dans le cadre d’un programme d’entraînement plus holistique (6).
Conclusion
En ayant une solide compréhension de l’évaluation et de la prescription de la pliométrie, les kinésithérapeutes peuvent pousser leur raisonnement clinique autour de la prescription d’exercices à un niveau supérieur. Les avantages pour la santé et pour la performance d’un programme de pliométrie bien intégré étant désormais évident, ilseraitgrand temps que les kinésithérapeutes passent à l’action et deviennent des experts dans l’utilisationthérapeutique de la pliométrie !
📚 Restez à la pointe de la recherche en kiné !
Chaque mois, notre équipe d'experts décompose les recherches cliniquement pertinentes sous forme de résumés de cinq minutes, immédiatement applicables au cabinet.
Essayez gratuitement notre revue pendant 7 jours !
Références
N'hésitez pas à partager ce blog !
Blogs associés
Voir toutVous voulez savoir quand nous publions des nouveaux blogs ?
Inscrivez-vous à notre newsletter dès maintenant!
En entrant votre adresse e-mail, vous acceptez de recevoir des e-mails de Physio Network, qui vous enverra des messages conformément à sa politique de confidentialité.
Un petit commentaire ?
Si vous avez une question, une suggestion ou un lien vers une recherche similaire, partagez-la ci-dessous !