Comment communiquer les résultats d’IRM lombaires aux patients
Le rôle de l’IRM lors de douleurs du rachis reste controversé. Elle est évidemment appropriée en cas de suspicion de « drapeaux rouges », mais en dehors de cela, nous devons les utiliser de manière raisonnée.
Je dis souvent aux patients que leur récit et l’examen clinique sont beaucoup plus utiles qu’une imagerie, qui est généralement l’élément le moins important dans le processus diagnostique. Nous ne devrions la demander que si elle est susceptible d’orienter le traitement : l’imagerie doit avoir un but. Sans un contexte approprié, elle pourrait perturber la réflexion clinique, et pour certains patients, les résultats pourraient générer davantage d’anxiété plutôt que de les rassurer. Les patients ne peuvent pas effacer ce qu’ils ont déjà vu à l’imagerie.
Nous devons cependant être réalistes. L’IRM peut être utilisée de manière adaptée ou non par les cliniciens, et il se peut aussi que les patients prennent rendez-vous sans ordonnance pour une IRM [NDT : dans le pays où exerce l’auteur]. Cela se produit de plus en plus, surtout en cette période de pandémie où l’accès aux services musculo-squelettiques est restreint.
Les patients se rendent souvent chez le kinésithérapeute avec leur IRM dans le but d’avoir des informations, étant potentiellement inquiets à cause d’un langage médical alarmiste qu’ils auraient entendu. Ils se tourneront vers vous afin d’obtenir des renseignements et conseils venant d’un professionnel de santé. Vous avez donc une position cruciale permettant d’influencer la perception d’un patient concernant son mal de dos et de modifier positivement sa trajectoire.
On me demande souvent comment je gère la première séance suivant une imagerie ainsi que les questions posées par les patients. Ce blog résume donc la manière dont j’aime aborder ce sujet. Parmi vous, certains acquiesceront sagement d’un hochement de tête en lisant ces lignes, alors que d’autres, au contraire, lèveront les yeux au ciel. Je sais que nous avons tous des approches différentes. Il est évident qu’il n’existe pas une manière universelle et adaptée à tous de communiquer avec les patients : exactement comme pour la rééducation. Je pense que ce moment est une réelle occasion de promouvoir la littéracie en santé et d’engager le patient de manière positive dans ce voyage dans lequel il se lance avec vous.
Mes messages s’appliquent sans doute davantage aux patients souffrant de douleurs plutôt récentes ou de faible intensité, et pour ceux ayant une flambée de leurs douleurs (ou encore ceux n’ayant plus de symptôme au moment où ils vous voient, mais sont toujours hantés par les résultats de l’IRM et ses implications !).
Je tiens à souligner que les patients « complexes » ou ceux souffrant de douleurs persistantes pourraient trouver mon point de vue « réducteur ». J’admets que la frontière entre le fait d’essayer de rassurer et donner confiance à un patient, et le fait d’invalider la réalité de ses symptômes, est mince.
Enfin, j’ajouterai qu’il est essentiel de prendre en compte les influences psychosociales. Ce blog est rédigé selon un « axe anatomo-pathologique ». Une approche holistique est primordiale pour optimiser les résultats et réaliser une séance « complète » ; mais nous devons également veiller à ne pas submerger les patients avec trop d’informations. La priorisation relative aux aspects biopsychosociaux apparaîtra lors d’une anamnèse détaillée, en apprenant à connaître le patient et en reconnaissant ses expériences antérieures. Comprendre les patients et s’adapter, voici la clé. Il n’est pas nécessaire que tout cela se fasse en une séance.
Sans plus tarder, voici comment j’ai l’habitude de communiquer différents résultats d’imageries aux patients.
Imagerie normale
« C’est une excellente nouvelle. Il n’y a aucun signe de lésion ni de blessure. Votre dos n’est pas dans un “mauvais état”, il est juste “malheureux” en ce moment. Il n’existe aucun argument nous empêchant de vous aider à reprendre les sports que vous aimez et à poursuivre votre travail. »
Le patient : « Pourquoi ai-je mal alors ? »
« Une IRM ne montre pas la douleur. Votre douleur peut provenir d’autres structures : souvent, elle vient des muscles ou de leurs enveloppes (fascias). Nous ne pouvons pas observer les douleurs d’origine musculaire sur une IRM. Les articulations et les disques peuvent aussi causer une gêne ou une raideur sans qu’ils ne soient endommagés. Ils sont juste irritables. »
« Une imagerie normale démontre le fait que même si votre douleur dure depuis des années, cela n’a engendré aucun dégât ni aucune lésion. Avec le temps, la douleur peut devenir inutile et disproportionnée par rapport à ce qu’il se passe réellement à l’intérieur. Cela signifie que vous pouvez continuer à faire des activités ou des mouvements malgré l’inconfort causé par vos douleurs sans avoir de crainte, dans la mesure de ce que vous pouvez tolérer. »
Changements normaux liés à l’âge
« Nous nous attendions à ce que l’IRM montre certains changements qui se produisent aussi chez de très nombreuses personnes en bonne santé et n’ayant aucune douleur. Considérez-les simplement comme des “rides” : elles ne sont pas spécialement belles, mais elles ne font pas mal. »
« A 40 ans, 50 % des personnes ont un disque bombé ou des signes “d’usure”. C’est courant et il n’y a pas de quoi s’inquiéter : votre dos est toujours stable et fort. De plus, nous pouvons vous aider à avancer sur le chemin vous permettant de reprendre une vie normale. »
Hernie discale
« L’IRM confirme ce dont nous avions discuté lors du premier rendez-vous. Un renflement s’est probablement produit au fil du temps, lentement, mais le disque n’est pas faible ni vulnérable, et il n’a pas non plus “glissé” en dehors de la colonne. Nous sommes juste à un moment où il vous cause quelques ennuis et irrite le nerf à côté. »
« La plupart des “crises” de sciatique s’améliorent après 6 semaines. N’ayez pas peur de continuer à bouger, ce n’est pas dangereux. Vous pouvez prendre des médicaments pour vous aider. »
« Si la douleur ne diminue pas et que votre qualité de vie est affectée, les résultats de l’IRM nous permettent d’organiser en toute sécurité une infiltration pour calmer le nerf, ce qui vous aidera à travailler plus efficacement avec votre kinésithérapeute. »
« Bien que très rare, une infime proportion de personnes présentant des bombements discaux peut ressentir des changements dans leur capacité à contrôler le passage de l’urine ou des selles, ou développer un engourdissement au niveau des parties génitales ou des fesses, ressenti au moment où elles s’essuient. Si jamais vous remarquiez cela, ou que vous ressentiez une douleur dans l’autre jambe, il serait alors important de consulter un médecin en urgence. »
Le patient : « Le bombement disparaîtra-t-il tout seul ? Il doit sûrement être retiré, non ? »
« Les gros bombements rapetissent parfois, mais cela n’est pas une condition nécessaire pour que votre douleur disparaisse. Le nerf est enflammé et cela se calmera tout seul dans la plupart des cas, sans que le disque ne soit retiré ou qu’il disparaisse. Le nerf est rarement endommagé par le bombement mais nous continuerons tout de même de garder un œil sur votre douleur et votre force. Il n’est pas nécessaire de refaire une IRM pour voir si vous allez mieux : tout ce qui nous intéresse, c’est l’intensité de votre douleur ainsi que votre fonction. »
Changements Modic type 1
« Certains pensent que cela pourrait suggérer le fait que le disque soit “malheureux”. Cela pourrait bien expliquer la douleur que vous avez autour des hanches et au niveau des fesses… Cela nous permet de comprendre que même si votre douleur est ressentie à un endroit différent, nous n’avons pas besoin d’autres examens d’imagerie pour vos hanches et votre bassin. »
Sténose lombaire
« Au fil du temps, les articulations et les disques ont causé un rétrécissement des tunnels dans lesquels passent les nerfs, c’est pourquoi vous ressentez des douleurs dans les jambes lorsque vous marchez et lors de certaines positions, telles que vous pencher en arrière. Il n’y pas de risque à réaliser des exercices, nous devons juste les aborder de manière judicieuse. »
Le patient : « Une infiltration pourrait-elle être utile ? »
« Les infiltrations ne fonctionnent pas très bien dans le cas d’une sténose lombaire. Mais il a été démontré que certains programmes incluant des exercices contre résistance peuvent diminuer votre douleur et améliorer votre endurance : l’objectif est d’adapter les exercices selon vos besoins et de vous donner les outils vous permettant de gérer vous-même vos symptômes. »
Spondylolisthésis
« Je comprends que les résultats de l’imagerie puissent sembler effrayants, cependant, même si cela peut paraître étonnant, ils sont en réalité très courants, et cela ne change pas le fait que votre dos soit toujours très stable. Je suis des joueurs de rugby professionnels ayant le même type de changements et ils ne courent aucun risque à pratiquer un sport de contact même à très haut niveau. »
Ce blog a été l’occasion pour moi de partager quelques-unes des explications que j’utilise lors de la communication des résultats d’IRM de la colonne lombaire aux patients. J’espère que cela vous aura été utile. Encore une fois, je sais que chaque clinicien a une approche différente et qu’il n’existe pas de manière universelle d’aborder la communication avec tous les patients.
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