Diagnostic différentiel de la douleur radiculaire

8 mins de lecture. Posté dans Lombaire
Un article de Luke Murray info

Les kinésithérapeutes exerçant dans le champ musculosquelettique et les médecins généralistes sont souvent confrontés au problème de la douleur radiculaire (comme la sciatique). Dans une récente étude en soins primaires au Royaume-Uni portant sur 609 patient·e·s, le diagnostic pour 60 % des personnes présentant une douleurs au dos et au membre inférieur était celui d’une sciatique (1). En raison de la forte prévalence de la sciatique, de la douleur associée et des limitations fonctionnelles, il est essentiel que les clinicien·ne·s puissent identifier avec précision la douleur radiculaire et la différencier des autres pathologies. La première partie de cette série en deux parties aura pour but de vous aider à comprendre ce qu’est la douleur radiculaire, comment elle se présente et à décrire les pathologies qui peuvent se faire passer pour une douleur radiculaire et qu’il faut prendre en compte dans vos diagnostics différentiels. Mais d’abord, examinons quelques définitions, causes et présentations cliniques.


Définition et présentation clinique

La douleur radiculaire est provoquée par une inflammation et/ou une compression des racines nerveuses lombo-sacrées (L4-S1) et entraine un ‘gain’ de la fonction nerveuse (2). Cela fait référence à une excitabilité anormale du nerf avec des paresthésies, douleurs, une hyperalgésie, une allodynie, une hyperréflexie et/ou des spasmes musculaires. La douleur se manifeste souvent dans la fesse, se déplaçant le long du membre inférieur et sous le genou.

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Cela diffère de la radiculopathie lombaire, qui est également un problème de racine nerveuse, mais entraine une perte de la fonction nerveuse. Cela signifie que la conduction nerveuse est réduite, ce qui peut se présenter sous la forme d’une hypoesthésie, d’une anesthésie, d’une absence de réflexe ou d’un réflexe diminué, de faiblesse musculaire et/ou d’une perte de sensation. Malheureusement pour les praticien·ne·s, les personnes ne rentrent pas toujours dans ces catégories et il n’est donc pas rare qu’elles présentent des caractéristiques des deux pathologies, comme dans la radiculopathie douloureuse (3). Il est également important de se rappeler que la vraie douleur radiculaire est une pathologie extrêmement pénible et douloureuse, certain·e·s patient·e·s rapportent même une perte du sentiment de soi (4).

En général, la sciatique est mal définie dans la recherche. Que vous soyez kinésithérapeute fraichement sorti·e de l’école ou que vous pratiquiez depuis de nombreuses années, vous aurez probablement entendu quelqu’un se plaindre de sa sciatique. Mais, comment savons-nous que c’est vraiment une sciatique ? Comment savons-nous que le problème ne vient pas de l’articulation sacro-iliaque, de la hanche ou du redouté muscle piriforme ?! Examinons certains facteurs de risque et causes de la douleur radiculaire pour nous aider à identifier les patient·e·s qui pourraient avoir une véritable pathologie des racines nerveuses.


Facteurs de risque

Pour identifier avec précision une personne souffrant de douleur radiculaire, il est important de comprendre les facteurs de risque et les causes du problème. Cela a été très bien présenté par Tom Jesson dans la masterclass de Physio Network sur la douleur radiculaire. Si vous souhaitez une explication approfondie de l’histoire, de la physiopathologie et de la prise en charge de la douleur radiculaire, n’hésitez pas à la consulter [en anglais uniquement]. Tom a classé les facteurs de risque et les causes en deux groupes, comme indiqué ci-dessous.

Sur la partie distale (la ‘braise’ qui peut s’enflammer) :

  1. Fumeur
  2. L’obésité
  3. Le travail manuel
  4. Travailler en se baissant
  5. Conduire beaucoup
  6. Peu de marche
  7. Un stress mental
  8. Être peu satisfait de son travail

Sur la partie proximale (le feu qui s’embrase) :

  1. Une lésion discale
  2. Une sténose du canal central/du récessus latéral (portion latérale du canal central)
  3. Un spondylolisthésis

Bien qu’il ne s’agisse pas d’une liste exhaustive, il est important de les prendre en compte dans le cadre d’une évaluation complète (examen subjectif et examen physique).


Comment la sciatique est-elle diagnostiquée ?

Un diagnostic de sciatique est basé sur la présentation clinique, impliquant les symptômes subjectifs du patient et les résultats de l’examen physique. Il n’y a pas de test spécifique pour la sciatique, mais une combinaison de résultats positifs à l’examen augmente la probabilité (6). L’imagerie est rarement nécessaire pour poser un diagnostic, sauf si une pathologie plus grave est suspectée ou si le patient n’a pas répondu positivement à la prise en charge conservatrice (2). Cependant, si le patient se présente à votre cabinet avec une imagerie, n’hésitez pas à vérifier si votre examen correspond aux résultats de l’imagerie. Les principaux signes et symptômes de la sciatique comprennent :

  • une prééminence de la douleur du membre inférieur (plus importante que la douleur du dos)
  • la localisation de la douleur du membre inférieur (ex. en dessous du genou)
  • un schéma de projection selon les dermatomes
  • une paresthésie et/ou perte sensitive correspondant à une racine nerveuse rachidienne
  • des changements au niveau des myotomes
  • des changements des réflexes
  • une douleur dans le membre inférieur lors de la toux, de l’éternuements, ou lors d’une inspiration profonde
  • une apparition progressive

Lors de votre examen physique, vous pouvez retrouver les éléments suivants :

  • une faiblesse motrice unilatérale (notamment un pied qui « traine » ou qui « tombe » si la racine L5 est affectée)
  • des réflexes tendineux absents
  • un test SLR [« le lasègue »] positif (s’il est négatif, cela réduit la suspicion d’une sciatique)
  • un cross over test [« lasègue croisé »] positif
  • une augmentation de la distance doigt-sol (> 25 cm)

Il est essentiel que le praticien soit capable d’exclure les pathologies graves en dépistant un traumatisme, un cancer ou des infections graves. Si votre indice de suspicion est faible concernant la possibilité d’une pathologie grave, il est utile de réfléchir à l’exactitude de votre diagnostic primaire de douleur radiculaire, et considérer la possibilité que la douleur puisse ne pas venir de la racine nerveuse. D’autres pathologies potentielles qui peuvent se faire passer pour une douleur radiculaire sont décrites dans le tableau ci-dessous (7).

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En cas d’anesthésie en selle, de perturbations de la vessie, de perte du tonus du sphincter anal, de fonction sexuelle diminuée, et/ou de déficits neurologiques graves et progressifs, cela peut correspondre à un syndrome de la queue de cheval et les patients devraient être réorientés d’urgence vers un service médical. Voir l’image ci-dessous pour un aperçu des signes avant-coureurs du syndrome de la queue de cheval (8).

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Douleur radiculaire ou projetée ?

À ce stade, vous vous dites peut-être : « bon, mon indice de suspicion envers une pathologie grave est assez bas, alors ai-je besoin de savoir s’il s’agit d’un problème de racine nerveuse ? ». C’est une bonne question et pour certains patients, cela n’a peut-être pas d’importance. Ces patients sont ceux qui s’améliorent sans aucune aide d’un·e kinésithérapeute et se rétablissent naturellement dans les délais prévus. Toutefois, si un·e patient·e ne se rétablit pas comme prévu et peut nécessiter un traitement plus invasif, il est important que notre diagnostic soit aussi précis que possible pour fournir au patient les meilleures options de traitement et les plus individualisées (affaire à suivre dans la partie 2). Par conséquent, cela vaut la peine d’examiner s’il s’agit d’une douleur radiculaire ou projetée, comme Tom le décrit dans sa Masterclass. Voir le tableau ci-dessous pour vous aider à faire la distinction entre les deux.

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Évaluation objective

Votre évaluation objective devrait inclure un examen neurologique pour étudier le fonctionnement du nerf. Cela implique d’évaluer le toucher léger, les réflexes et la force motrice. Il convient de noter que l’exécution de ces tests n’évalue que 30 % du nerf (9). Pour évaluer les 70 % restants du nerf, vous pouvez envisager d’utiliser la piqûre d’une épingle ou l’évaluation des sensations thermiques à l’aide de dispositifs chauds/froids. Pour plus d’informations sur ce sujet, consultez la masterclass de Tom.


Conclusion :

Pour conclure la partie 1 sur le diagnostic différentiel de la douleur radiculaire, vous comprenez maintenant la définition, les causes, les facteurs de risque, et comment évaluer la douleur radiculaire. Nous avons souligné l’importance de considérer d’autres pathologies dans vos diagnostics différentiels, les pathologies graves et les pathologies qui peuvent se faire passer pour une douleur radiculaire. Dans la partie 2, nous couvrirons la prise en charge de la douleur radiculaire afin que vous puissiez optimiser les soins de vos patient·e·s et les aider dans leur rétablissement.

 

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