Le Butt Wink n’est pas lié aux ischio-jambiers

11 mins de lecture. Posté dans Prescription d'exercices
Un article de Dean Somerset info

Le squat est un exercice génial. Qu’il soit lesté avec une barre lors de squats arrière ou avant, avec des haltères ou des kettlebells dans des goblet squats, ou n’importe quelle autre variation, le squat est un exercice idéal qui peut être modifié de façon quasi infinie, afin de produire différents résultats, allant de la force maximale à la puissance explosive, de la mobilité à l’équilibre, et tout ce qui se situe entre les deux.

Un des aspects du squat qui tend à être analysé à outrance est le redoutable Butt Wink. Celui-ci se produit lorsque, à la fin de la partie excentrique d’un squat, les hanches se retrouvent en inclinaison postérieure avec le coccyx qui se replie sous ces dernières, ce qui crée une flexion de la colonne lombaire. Voici un très bon exemple de ce phénomène présenté dans cet article de Lee Hayward.

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Le principal problème du Butt Wink n’est pas que les hanches se retrouvent vers l’avant, mais que la colonne lombaire subit un cycle d’extension-flexion-extension avec une charge appliquée dessus. Ceci est un mécanisme fréquent de lésions discales. Il pourrait également mener à des fractures de l’isthme articulaire si la charge est trop grande, et potentiellement entraîner des problèmes au niveau de l’articulation sacro-iliaque du fait de la demande accrue de stabilisation de la part du système de soutien ligamentaire, qui tenterait alors d’empêcher la colonne vertébrale de s’effondrer sur elle-même. Si la demande dépasse la capacité des ligaments à supporter la charge, l’articulation sacro-iliaque se retrouve mise à mal.

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En conséquence, tout le monde se rue sur internet à la recherche de « Comment corriger le Butt Wink » sans réellement comprendre ce qu’il se passe en premier lieu. Une des croyances les plus répandues est que les ischio-jambiers sont en tension lors de la phase basse du squat, ce qui entraîne une résistance et ne laisse donc pas le bassin s’antéverser naturellement, ce qui a pour effet de le tirer vers l’avant au cours de la descente. Le problème dans cette hypothèse est que lorsque l’on squatte, nos genoux fléchissent, ce qui réduit de beaucoup la tension appliquée aux ischio-jambiers. Ainsi, leur effet de résistance au mouvement au niveau des hanches est minime.

J’aurais tendance à dire que la zone étirée est celle du complexe fessier (y compris le piriforme et le grand adducteur). Le concept selon lequel les genoux raccourcissent les ischio-jambiers et les hanches les allongent est le concept du paradoxe de Lombard, qui stipule que lors d’une flexion équilibrée du genou et de la hanche, aucun changement réel de longueur ne se produit dans les ischio-jambiers et le droit fémoral.

Malgré tout, supposons que les ischio-jambiers soient réellement tendus et qu’ils puissent être le coupable. Un moyen facile de le vérifier est de faire un simple Rock Back test à quatre pattes.

C’est ce que j’appelle un squat horizontal. Si je positionne mes pieds à plat contre un mur, le mouvement ressemble à un squat, avec les flexions de cheville, genou et hanche impliquées dans la phase de descente du mouvement. Les genoux sont alignés aux pointes de pied, et les hanches sont derrière les talons. Si je dois réaliser ce mouvement et que je ne montre aucun signe de Butt Wink, alors ce n’est pas de la faute des ischio-jambiers si je présente le Butt Wink en position debout, car la relation longueur/tension entre les articulations et les ischio-jambiers n’aurait pas été significativement différente entre les deux positions.

Cependant, on pourrait se demander ce qu’il se passerait si ce mouvement entraînait quand même un Butt Wink. Est-ce alors la faute des ischio-jambiers ? C’est peu probable, car comme mentionné au-dessus, le muscle n’est pas sous tension. Il y a encore des différences anatomiques que nous devons prendre en compte pour expliquer pourquoi une personne n’est pas capable de se mettre en position de squat, quelle que soit la tension des ischio-jambiers.

Un facteur majeur dans la limitation de la profondeur du squat avant qu’un Butt Wink ne se produise est quelque chose dont très peu de gens parlent, la profondeur de l’acétabulum. C’est une variante anatomique qui ne peut pas être étirée, entraînée ou corrigée sans chirurgie, et c’est l’un des principaux facteurs biomécaniques influençant la profondeur à laquelle il est possible de squatter avant de manquer d’amplitude de mouvement et de devoir la trouver ailleurs, comme par exemple au niveau de la colonne lombaire.

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Sur l’image ci-dessus, à gauche, l’acétabulum est très profond, solide, et certainement assez efficace pour générer de la puissance au début du squat, mais finira par créer un contact os contre os beaucoup plus tôt dans l’amplitude inférieure du mouvement par rapport à l’image de droite, qui n’aurait pratiquement pas de contact osseux limitant la profondeur de la fin d’amplitude.

La profondeur de l’acétabulum est extrêmement importante, mais il faut également tenir compte de la localisation de l’acétabulum par rapport au centre de l’axe de rotation du bassin. Si l’acétabulum est positionné vers l’avant (en antéversion), cela réduira les chances de contact osseux en bas du squat, et rendra plus difficile l’extension finale au-delà de la position neutre. Si l’acétabulum est en rétroversion (en arrière par rapport à la position neutre), il sera presque impossible d’effectuer un squat profond sans créer de contact osseux ou déchirer le labrum de la hanche. En revanche, il sera plus facile d’atteindre les positions d’extension.

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De plus, si l’angle du col du fémur est très vertical, il y aura plus de chances de contact osseux par rapport à un angle du col du fémur plus horizontal. Ceci étant dit, un col vertical pourrait théoriquement permettre une plus grande amplitude latérale ou rotatoire par rapport à un angle latéral. J’ai d’ailleurs écrit à ce sujet sur le site d’Eric Cressey ICI.

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Alors, si vous avez la chance d’être né avec un acétabulum profond et rétroversé ainsi qu’un coxa valga au niveau du fémur, vos chances de descendre en profondeur en squat sans Butt Wink sont proches de zéro, peu importe à quel point vos ischio-jambiers sont tendus. Je pourrais même vous donner une dose d’anesthésiant assez forte pour mettre K.O un éléphant, et retirer toute tension au niveau de vos ischio-jambiers et de tous les autres tissus de votre corps, vous n’aurez toujours pas assez d’amplitude pour la position de squat. Étirez-vous autant que vous voudrez, cela ne changera rien.

Revenons donc à la question initiale : comment corriger le Butt Wink ? Si une personne n’a plus d’amplitude de mouvement disponible au niveau de sa hanche lorsqu’elle arrive en bas de son squat et que son dos commence à s’arrondir précocement, vous pourriez essayer d’étirer les ischio-jambiers et voir si cela crée une différence. Si ça ne semble pas entraîner d’amélioration notable dans la profondeur du squat, ce n’est pas la solution. Si c’est la structure qui limite le mouvement, l’étirement n’entraînera aucune différence.

Si j’utilise ma checklist pour déterminer les dysfonctions de mouvement pour régler ce problème, jusqu’à présent on a examiné si des problèmes anatomiques pouvaient empêcher le mouvement à l’aide du squat horizontal. Si la personne peut aller chercher de la profondeur dans cette position, alors elle n’a pas de limitation structurelle. Si on étire les ischio-jambiers et que le re-test ne montre aucune amélioration, ce n’est pas la tension des ischio-jambiers qui limite le mouvement. On pourrait utiliser un foam roller, en revanche si son utilisation ne montre pas d’amélioration au re-test, ce n’est pas la solution.

Il peut sinon peut-être s’agir d’un manque de stabilité dans la position de squat. Réaliser le squat sans se tenir à un TRX ou à une poignée est beaucoup moins stable qu’avec, tout comme le squat arrière est beaucoup moins stable qu’une position de goblet squat avec un haltère devant et un banc derrière. Les squats avant ont tendance à permettre plus de profondeur que les squats arrière, probablement car il est plus facile de trouver son équilibre avec une charge antérieure que postérieure.

« Oups, mes genoux ont dépassé mes pointes de pieds sur ces squats. Je crois que mes LCA vont se déchirer. C’est de ma faute. »

Si le mouvement s’améliore immédiatement en mettant de la charge en position de goblet squat, le problème ne vient pas des ischio-jambiers. Il est beaucoup plus probable qu’il s’agisse d’un problème de stabilité antéro-postérieure, autrement dit d’équilibre.

Essayez cela si vous avez du mal à vous mettre en position de squat :

  • Portez un haltère dans une position de goblet squat et allez le plus bas possible. Si vous arrivez à aller toucher le sol sans problème ici mais que squatter sans charge pose problème, ce serait un bon exercice pour vous challenger.
  • Lorsque vous arrivez au plus bas de votre squat, posez le poids au sol. Relâchez lentement le poids sans laisser votre colonne s’arrondir et sans tomber sur les fesses. Le but ici est de décharger le squat sans laisser votre posture ou votre position changer.
  • Une fois que vous avez relâché le poids et que vous êtes confortable dans la position basse du squat, relevez-vous. Vous venez de réaliser un squat en profondeur totale.
  • Reprenez le poids et recommencez.

 

Ce n’est peut-être pas un problème de stabilité. Le problème vient peut-être du fait que vous n’avez jamais squatté aussi bas, votre corps ne sait alors absolument pas comment se mettre dans cette position et quoi faire lorsqu’il y arrive, donc il l’évite. Les mouvements sont tout aussi spécifiques à l’amplitude demandée qu’à toute autre chose, et si une certaine amplitude est nouvelle pour un mouvement familier, il sera difficile d’y parvenir.

Pour ce challenge, il peut être nécessaire d’utiliser une aide pour arriver à aller dans la position basse du squat pendant quelques répétitions, comme utiliser un haltère ou se tenir à une poignée ou une barre pour arriver en position basse, puis remonter sans aide.

Une autre option possible est de réaliser des bear squats pour simuler une charge sur les jambes mais en ayant quatre points de contact sur le sol vs deux dans un squat traditionnel.

Ainsi, beaucoup de facteurs influencent la réalisation d’un squat et sa profondeur, et dire qu’un Butt Wink est dû à des ischio-jambiers trop tendus est une simplification excessive qui est assez facile à réfuter, et qui ne donne aucune explication sur la raison pour laquelle les ischio-jambiers seraient tendus en premier lieu. Sont-ils tendus à cause d’un dysfonctionnement au niveau du tronc ou de la colonne ? Si oui, est-ce qu’un étirement des ischio-jambiers serait bénéfique ou est-ce qu’il ferait dérailler le processus ? Est-ce que faire un travail de stabilité du tronc pourrait aider à relâcher la tension des ischio-jambiers, ce qui pourrait améliorer le squat ? Est-ce que les ischio-jambiers étaient réellement tendus ?

Certains ne sont simplement pas faits pour squatter fesses au sol, et ce n’est pas grave. Leur incapacité à squatter bas peut être un avantage pour porter des charges lourdes et sur de plus longues distances, pour sprinter, faire du skate, ou sauter avec moins d’effort que quelqu’un qui squattera bas. Les seules personnes qui ont « besoin » de corriger un Butt Wink sont celles qui tiennent absolument à être en position accroupie avec une charge sur leur dos. Et pour ces personnes, il y a peu de raisons de le faire si leur structure ne le leur permet pas, quand ils pourraient tirer les mêmes avantages avec un millier d’autres variations de squats et d’autres exercices sans risque de blessure ou de lésion.

Autrement, ils peuvent étirer leurs ischio-jambiers autant qu’ils le veulent.

Cet article a été publié pour la première fois sur le site de Dean Somerset. Cliquez ici pour lire plus de blogs de cet auteur.

 

 

 

 

 

 

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