Talalgie ne rime pas toujours avec fasciite plantaire !

8 mins de lecture. Posté dans Cheville/pied
Un article de Faraz Sethi info

Le jeu des devinettes

Combien de fois avez-vous déjà vu un patient vous montrant une douleur au talon et pensé directement connaître le diagnostic ? Allez, admettez-le, nous l’avons tous fait !

Combien de fois un patient vous a-t-il dit qu’il avait recherché ses symptômes sur Google et qu’il pensait souffrir d’une fasciite plantaire ? Allez, admettez-le, plein de fois !

Malheureusement, il existe un grand nombre de pathologies qui se font passer pour une fasciite plantaire et nous devons, en tant que cliniciens, être bien équipés pour les reconnaître lorsque nous les rencontrons.

L’un de ces diagnostics différentiels est le piégeage nerveux de Baxter ou neuropathie de Baxter (qui concerne le nerf calcanéen inférieur). Le piégeage nerveux de Baxter peut souvent se faire passer pour une fasciite plantaire, en particulier chez les patients jeunes et actifs (1). Le diagnostic différentiel de la talalgie plantaire est large et comprend la fasciite plantaire, la rupture de l’aponévrose plantaire, la fracture de fatigue du calcanéum et les syndromes du coussinet adipeux tels que l’atrophie du coussinet adipeux.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, jetez un coup d’œil à cette masterclass du Dr Henrik Riel pour améliorer votre diagnostic différentiel de la talalgie.

 

Une présentation peu commune

La talalgie plantaire (Plantar Heel Pain, PHP) est un phénomène courant dans la population adulte. Elle peut entraîner une douleur sévère qui provoque un handicap important et une altération des activités de la vie quotidienne. La PHP peut être due à des causes locales telles que la fasciite plantaire, à des causes référées telles qu’une radiculopathie au niveau de S1, ou à des maladies systémiques telles que les spondylarthropathies séronégatives (SpA) (2).

Les neuropathies de compression du pied et de la cheville sont fréquentes chez les athlètes et les personnes avec un port de chaussures inadapté. Les neuropathies de compression étant souvent mal diagnostiquées, une bonne compréhension de la musculature et de la distribution des nerfs au sein du pied et de la cheville permet de réaliser des diagnostics plus précis (3).

Le nerf calcanéen inférieur est la première branche du nerf plantaire latéral. Il fournit une innervation motrice aux muscles carré plantaire, court fléchisseur des orteils et abducteur du Ve orteil. Le nerf calcanéen inférieur transmet également des informations sensorielles provenant du périoste calcanéen et du ligament plantaire long. Le nerf calcanéen inférieur peut être piégé au niveau distal en raison de plans aponévrotiques tendus entre l’abducteur de l’hallux et le carré plantaire. Un autre site de piégeage nerveux se trouve à la face antérieure de la tubérosité calcanéenne médiale (lors de son passage latéral) entre le court fléchisseur des orteils et le carré plantaire.

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La présence d’une neuropathie compressive peut être confirmée par l’imagerie et/ou l’électromyographie, mais doit être évaluée dans un premier temps par un examen physique ciblé. Dans le cas de la neuropathie de Baxter, le diagnostic est confirmé par l’imagerie par résonance magnétique (IRM) qui montre une atrophie du corps musculaire de l’abducteur du Ve orteil (4).

 

Traitement de référence

Les kinésithérapeutes doivent être conscients de la présentation typique de l’atteinte neuronale, qui comprend une douleur à type de brûlure, aiguë et fulgurante qui peut être accompagnée d’une faiblesse et de changements sensoriels. Les patients atteints de neuropathie de Baxter ne ressentent pas de douleur au lever le matin qui s’atténue avec l’activité, ni de douleur au lever après de courts intervalles d’assise ou de repos.

Dans le cas de la neuropathie de Baxter, la douleur au talon s’aggrave avec l’activité et s’intensifie au fil de la journée. Malheureusement, la kinésithérapie et la rééducation ne suffisent pas toujours à résoudre les symptômes. Dans ce cas, une infiltration échoguidée peut être envisagée, celle-ci s’étant avérée très précise par rapport aux infiltrations à l’aveugle (5). Il est essentiel qu’après l’infiltration, le patient entreprenne un programme de kinésithérapie pour s’assurer que la douleur ne réapparaisse pas.

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Les potentiels signes trompeurs

Dans la littérature, la prévalence de la neuropathie de Baxter est décrite comme étant entre 15 et 20 % dans la population générale présentant une PHP. Elle est très répandue et a été décrite comme étant la première cause de PHP d’origine neurologique. Il est admis que certains cas de fasciite plantaire peuvent se superposer au piégeage du nerf de Baxter (6).

 

Exemples d’études de cas

Pour toutes les présentations de troubles musculo-squelettiques, l’histoire clinique est l’aspect le plus crucial. En tant que cliniciens, nous devons écouter le patient en détail, car c’est généralement lui qui nous révèle le diagnostic. L’évaluation d’un patient souffrant de douleur au talon doit commencer par une anamnèse ciblée afin de déterminer la durée, l’apparition, la nature, la localisation et l’intensité de la douleur. Alors, relevez d’un peu d’esprit critique et méditez sur ces quelques études de cas.

  1. Un maçon de 26 ans se présente en clinique et raconte qu’il est tombé d’une échelle et a directement atterri sur son talon gauche, il y a 8 jours. Pas d’antécédent médical significatif. Pas d’imagerie. Pas de médicament régulier. Il est capable de supporter partiellement son poids de corps. Pas de déficit neurologique, mais des ecchymoses violettes/noires à la base du talon et sur le côté latéral de la cheville. À quoi penseriez-vous ?
    C’est exact, il s’agit d’une lésion traumatique qui serait probablement une fracture de fatigue du calcanéum et non une neuropathie de Baxter.
  1. Une enseignante de 58 ans vous consulte en clinique pour une douleur bilatérale aux talons qui s’aggrave depuis 4 mois, la droite étant pire que la gauche. Elle souffre de psoriasis et de la maladie de Crohn et signale des douleurs nocturnes ainsi qu’une raideur matinale autour des coudes, des genoux et des talons, qui s’améliore avec le mouvement. Elle prend de la prednisolone. Elle signale des engourdissements intermittents sous les talons. À quel diagnostic penseriez-vous ?
    En effet, à un trouble rhumatologique sous-jacent, et non à une neuropathie classique de Baxter.
  1. Un homme de 43 ans se présente à vous après un pic dans son volume d’entraînement dans le cadre de sa préparation pour le marathon de Londres. Il n’a pas de problème médical sous-jacent, mais souffre depuis peu de dépression et d’anxiété en raison de problèmes conjugaux. Il prend de la sertraline. Il décrit une douleur et une raideur lors des premiers pas après le réveil. Pas de changements sensoriels au niveau des pieds. Il a modifié sa charge d’entraînement, pris des AINS et s’est glacé régulièrement. Quel serait votre diagnostic ?
    Exactement, probablement une fasciite plantaire ou une tendinopathie d’Achille, mais pas une véritable neuropathie de Baxter.

 

Ces études de cas soulignent l’importance d’un examen subjectif approfondi et de l’utilisation du raisonnement clinique pour nous aider dans notre diagnostic différentiel dans le cadre d’une PHP. Même les cliniciens expérimentés peuvent passer à côté de ces présentations et il n’y a pas de mal à discuter ouvertement avec le patient des potentiels signes trompeurs, car il appréciera que vous preniez le temps de comprendre son histoire et de le guider sur la meilleure piste thérapeutique.

 

En conclusion

  • Tous les patients souffrant de douleur au talon ne sont pas atteints de fasciite plantaire.
  • Toutes les personnes souffrant de douleur au talon n’ont pas besoin d’un travail sur les tissus mous, d’une thérapie par ondes de choc, ou d’orthèses.
  • Les différents types de talalgie sont exhaustifs et, en tant que cliniciens, nous devons nous améliorer dans l’écoute de l’histoire du patient et surtout valider ses idées, ses préoccupations et ses attentes.
  • Le pied et la cheville sont toujours liés à une personne et pas seulement à une autre partie du corps.

Si cet article vous a été utile, n’hésitez pas à consulter la masterclass du Dr Henrik Riel à propos du diagnostic et de la prise en charge des talalgies ici.

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