Céphalées cervicogéniques : une vraie prise de tête

9 mins de lecture. Posté dans Cervical
Un article de Charlie Clements info

Les céphalées cervicogéniques (CC) sont littéralement une vraie prise de tête ! Elles sont considérées comme une forme secondaire de céphalées qui se développe à partir d’une douleur somatique référée de la colonne cervicale supérieure. Plus précisément, les nerfs C1-3 lorsqu’ils convergent avec les afférences trigéminales, formant le noyau trigéminocervical (15). Les CC sont une forme plus rare de céphalées qui survient insidieusement chez 1 à 2,5 % des adultes âgés de 30 à 40 ans, mais elles ont une prévalence beaucoup plus élevée, d’environ 53 %, dans les troubles associés au coup de fouet cervical (whiplash-associated disorders, WAD) (4). Pour une excellente analyse approfondie, consultez la master class du Dr Toby Hall, The Physical Management of Headache (en anglais uniquement).

La prise en charge des CC est un défi à la fois pour les cliniciens et les patients (d’où l’idée d’essayer de la résumer), bien que son existence ait été reconnue dans les années 1980. Une approche multimodale qui englobe l’exercice avec ou sans thérapie manuelle est recommandée pour la prise en charge conservatrice initiale (24, 8, 15, 4).

 

Éducation

Les cliniciens doivent s’efforcer de comprendre les préoccupations ou les attentes du patient et répondre à toute interprétation erronée par le biais de conseils et de réassurance (8). Il existe des revues de littérature aux résultats mitigés concernant l’efficacité des interventions éducatives, en raison de preuves de faible qualité et de l’hétérogénéité des études (12). Cependant, lorsqu’elle est utilisée en conjonction avec la kinésithérapie, elle peut offrir des avantages à court terme aux personnes post-WAD, quelle que soit sa méthode d’administration (un fascicule ou une communication verbale) (26). Bien que ces études ne soient pas exclusives aux CC, nous pouvons émettre l’hypothèse que l’éducation peut offrir certains avantages étant donné que la douleur cervicale précède les symptômes de maux de tête et que la prévalence des CC est beaucoup plus élevée après un WAD (4).

Une méthode est la réassurance. Discuter du fait que la douleur cervicale est courante dans la population générale, qu’entre 33 et 65 % des épisodes se résorbent en un an et que les maux de tête ont souvent tendance à coexister. Ces informations peuvent permettre un certain soulagement (18, 7). Fait intéressant, nos données démographiques liées aux traumatismes donnent un résultat légèrement plus favorable. En l’absence de facteurs pronostiques défavorables (par exemple, facteurs psychosociaux, etc.), les symptômes disparaissent souvent en trois mois (3). L’éducation sur les facteurs de risque associés aux maux de tête chroniques est également importante, notamment : l’obésité, la caféine, la surconsommation de médicaments et les troubles du sommeil (9).

 

Thérapie manuelle

Les mobilisations et les manipulations (MM) sont fréquemment utilisées par les thérapeutes pour traiter les CC, les mobilisations consistant en un mouvement oscillatoire répétitif et passif, tandis que les manipulations impliquent un mouvement à haute vitesse et à faible amplitude à la fin d’amplitude, ou au-delà (6). Des revues systématiques antérieures ont montré des résultats contradictoires sur l’efficacité des MM dans les CC. Leur utilité clinique est en outre remise en question en raison des conceptions de traitement multimodal, du risque élevé de biais ou de l’absence de méta-analyse pour évaluer quantitativement l’ampleur de l’effet (19, 11).

Des méta-analyses récentes ont illustré que les MM offrent un soulagement à court terme des symptômes des patients atteints de CC, tandis que les manipulations vertébrales semblaient supérieures à d’autres techniques de thérapie manuelle (6, 10). Pour compliquer davantage les choses, il existe peu de preuves concernant le score relatif au changement minimal cliniquement important pour les CC ; ce qui rend difficile de déterminer si appuyer de manière répétée sur le cou d’une personne offre beaucoup d’avantages cliniques.

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Les MM doivent consister en un maximum de dix séances sur six semaines et être utilisées parallèlement à la thérapie par l’exercice (8, 9, 19, 24). Les mécanismes exacts de fonctionnement des MM ne sont pas entièrement compris, mais on pense qu’elles modifient le traitement central de l’information et fournit une inhibition descendante pour soulager les symptômes (15). Ce qu’elle ne fait certainement pas, c’est libérer les fascias, les « nerfs piégés » ou réaligner les vertèbres. Par conséquent, la communication de ces résultats aux patients dans le cadre du processus de prise de décision partagée, associée aux effets indésirables potentiels associés aux MM, fait partie intégrante de la conformité avec leurs valeurs et leurs préférences (5).

 

L’exercice

Dans le contexte des CC, la recherche centrée sur la thérapie par l’exercice est assez mince. Pour nous donner encore plus mal à la tête (désolé pour le jeu de mots), il y a peu de consensus sur ce qui constitue un « bon » exercice pour cette pathologie, car une récente enquête Delphi a conclu que 30 % des examinateurs experts n’étaient pas sûrs de l’efficacité de l’exercice pour les CC en raison du manque de preuves (9). Pour redonner un peu d’optimisme, les recommandations entourant le renforcement pour les douleurs cervicales donnent des résultats prometteurs (1, 8, 17, 4).

Voici un exemple qui va dans le sens de mon biais personnel : seulement deux minutes d’entraînement contre résistance élastique ciblant la ceinture scapulaire cinq jours par semaine pendant dix semaines ont amélioré les symptômes des employés de bureau souffrant de douleurs cervicales (1). Cette idée a été renforcée plus récemment lorsque les participants ont effectué deux séries de quatre exercices d’épaule/cervicales pendant huit semaines, ce qui a conduit à un plus grand soulagement de la douleur et à une meilleure qualité de vie liée à la santé (21). Cependant, il est difficile d’envisager que la charge fournie par un élastique soit suffisante pour des patients plus jeunes et plus sportifs souffrant de douleurs cervicales.

Bien que ces études ne soient pas restreintes aux CC, la pathologie elle-même est provoquée par des troubles de la colonne cervicale supérieure et en sachant que les douleurs cervicales affecteraient environ 30 à 50 % de la population chaque année (avec une plus grande prédisposition chez les employés de bureau), nous pouvons supposer que ces résultats peuvent offrir certains avantages (15, 1, 21). Les exercices ciblant la ceinture scapulaire aident également à intégrer les muscles globaux pour aider à la fonction du cou tout en réduisant les mouvements répétés de la colonne cervicale ; un facteur aggravant connu pour les CC (17, 22).

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Les exercices cervicaux ont généré des résultats positifs (13). Le renforcement isométrique ou basé sur l’endurance avec des étirements a entraîné des améliorations similaires des maux de tête, des douleurs au cou et au membre supérieur ; le premier étant plus efficace pour les patients présentant des symptômes de maux de tête sévères (25). Bien que prometteuse, cette étude n’était pas exclusive aux CC. De plus, leur programme d’exercices était intensif et je suis sceptique quant à l’observance s’ils étaient proposés à la population générale. Les résultats ont également été obtenus avec un recul de douze mois ; on pourrait se demander si ces améliorations étaient dues à l’histoire naturelle.

 

Entraînement sensorimoteur

Les cervicalgies peuvent altérer la proprioception et le contrôle postural en raison d’une altération des muscles cervicaux et sous-occipitaux à la suite d’une blessure. Ces déficits peuvent entraîner des symptômes tels que des étourdissements/vertiges en raison de leurs connexions centrales et réflexes avec les systèmes de contrôle vestibulaire, visuel et postural (14, 20, 23). Les études incluent des mouvements cervicaux et oculomoteurs progressifs avec repositionnement de la tête et donnent des résultats prometteurs pour la fonction sensorimotrice et le contrôle postural (14). Fait intéressant, l’entraînement progressif à l’équilibre a également suscité des améliorations (2, 20). D’autres études recommandent d’utiliser des stylos laser et des surfaces instables. Donc, si votre responsable se demande pourquoi il a y quelqu’un en équilibre sur une planche oscillante et des faisceaux lasers qui se baladent dans le service ; expliquez-lui que la recherche l’encourage (17, 23).

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Pharmacologie et infiltrations

L’infiltration épidurale de corticoïdes autour de l’articulation facettaire C2/3 (un déterminant nociceptif dominant pour cette pathologie) a gagné en popularité en raison de son innervation par le troisième nerf occipital. Une approche interlaminaire est considérée comme relativement sûre et le mélange d’anesthésique local et de corticoïdes est susceptible de provoquer un effet analgésique tout en réduisant l’irritation des racines nerveuses secondaire à l’inflammation, aidant à réduire les symptômes de maux de tête (15, 17). En ce qui concerne les médicaments, les recherches sont limitées et la conclusion était que la pharmacologie semble offrir un bénéfice minime, voire nul, pour cette pathologie (17).

 

Pour résumer

Il reste beaucoup d’incertitude concernant les traitements efficaces pour les CC. Les cliniciens doivent intégrer un programme multimodal composé d’exercices et de thérapie manuelle, avec une certaine prudence recommandée pour cette dernière ; en particulier pour les patients qui comptent beaucoup sur les traitements passifs. Il ne semble pas y avoir de gold standard en ce qui concerne la prescription d’exercices, mais l’entraînement contre résistance avec des charges élevées ou faibles semble prometteur. Enfin, pour les personnes présentant des symptômes particulièrement forts, les infiltrations épidurales de corticoïdes peuvent offrir un soulagement de la douleur et réduire la dépendance aux médicaments. Si vous souhaitez en savoir plus sur la prise en charge des maux de tête, consultez la master class du Dr Toby Hall, The Physical Management of Headache(en anglais uniquement).

 

 

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