Douleur de la bandelette ilio-tibiale chez le coureur, partie 1 : étiologie et évaluation

7 mins de lecture. Posté dans Genou
Un article de Dr Rich Willy info

Dr Rich Willy, PT, PhD, nous dévoile ici la première moitié d’une série de deux blogs traitant de la douleur de la bandelette ilio-tibiale (ITB). La douleur de l’ITB est une blessure courante chez les coureurs, mais il existe peu de recommandations dans la littérature concernant le traitement de cette blessure délicate. Cette série de 2 blogs a pour but de nous éclairer sur l’étiologie (partie 1) et le traitement (partie 2) de cette pathologie assez frustrante.

La douleur de la bandelette ilio-tibiale, définition et personnes à risque.

La douleur de la bandelette ilio-tibiale (ITB) est la première source de douleur latérale du genou chez le coureur, et représente entre 5 % et 14 % des blessures liées à la course à pied (14). La douleur de l’ITB est plus courante chez les coureurs de sexe masculin (50-81 % des coureurs souffrent de douleur de l’ITB) (14). La douleur est localisée sur le condyle fémoral latéral lorsque le genou alterne un mouvement de flexion extension sur un arc de 25-35 degrés de flexion du genou, traditionnellement connue comme une zone de conflit (10). La douleur du genou est reproduite à l’extension de hanche lorsque le genou est fléchi et lorsqu’il y a une charge excentrique sur le tenseur du fascia lata (1), lors par exemple de la course en descente ou la descente d’escaliers. Les coureurs avec une douleur aigüe de l’ITB décrivent souvent une douleur vive, qui les empêche de continuer la course.

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Figure 1 : Facteurs liés à l’étiologie et à la récupération suite à une douleur de l’ITB

Toutes les blessures de la course à pied sont des blessures liées à la charge d’entrainement (5). La douleur de l’ITB ne fait pas exception.

Les coureurs qui augmentent rapidement leur volume de course (8), particulièrement en descente (10), sont à risque de douleurs de l’ITB. Courir avec une largeur de foulée étroite (7) (comme courir lors d’un trail étroit) ou courir avec beaucoup d’adduction de hanche (4,9) augmente les contraintes sur l’ITB (voir figure 2 ci-dessous). Mais surtout, un coureur peut disposer des caractéristiques biomécaniques mentionnées précédemment et de capacités tissulaires relativement faibles, mais il n’y aura pas de blessure sans une augmentation relativement rapide des contraintes de l’entraînement. Une fois blessé, la capacité du coureur à endurer des contraintes sera substantiellement réduite et la douleur sera présente lors d’activités relativement bénignes, comme la descente d’escaliers.

Bien que non étudiée directement chez le coureur souffrant de douleurs de l’ITB, la présence de mécanismes de peur-évitement est un facteur prédictif important d’une récupération lente dans d’autres pathologies non traumatiques du genou, comme la douleur fémoro-patellaire (11).

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Figure 2 : Le coureur A présente une largeur de foulée étroite et le coureur B présente une importante adduction de hanche lors de la course. Les 2 schémas augmentent les contraintes sur l’ITB.

La douleur de l’ITB peut rapidement devenir une blessure persistante

Souvent, les coureurs cessent temporairement leur activité de course à pied lors de l’apparition de douleurs de l’ITB, ce qui diminue l’irritation. Cependant, parce que le coureur évite les contraintes sur l’ITB (aussi connu sous le nom de stress shielding, ou déviation des contraintes), l’ITB et le coureur perdent sans le savoir encore plus de capacité à endurer les contraintes (load capacity). Et le coureur pense à tort que sa blessure s’est améliorée. Puisque le coureur a très envie de retourner courir, une activité qu’il adore, il accélère le processus de reprise. Le coureur répète exactement les mêmes erreurs d’entraînement qui lui ont initialement provoqué cette blessure. Le processus est répété, avec en résultat une perpétuelle diminution de la capacité à endurer les contraintes (figure 3).

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Figure 3 : le cycle de la perte de capacité de charges (load capacity)

La douleur de l’ITB est une lésion en compression. Arrêtons de l’appeler « syndrome de l’essuie-glace »

L’ITB n’est seulement que l’épaississement du fascia latéral de la cuisse et a beaucoup d’accroches sur le fémur et la patella, avant de s’insérer distalement sur le tubercule de Gerdy (cf. genou de cadavre) (2). L’ancrage uniforme de l’ITB sur le condyle fémoral latéral et sur la crête supracondylaire empêche efficacement l’ITB de passer de l’autre côté de l’épicondyle. En d’autres mots, il n’y a pas de friction (3).

Chez le coureur souffrant de douleurs de l’ITB, le tissu adipeux, richement innervé, qui est présent entre l’ITB et le condyle fémoral latéral est comprimé lorsque le genou dépasse 30 degrés de flexion, ce qui correspond au pic de tension de l’ITB (cf vidéos sur des cadavres). Cette compression entraîne une nociception et est potentiellement douloureuse (2,3).

Il n’y a aucun test unique pour diagnostiquer la douleur de l’ITB

La douleur de l’ITB est diagnostiquée sur la base de l’anamnèse, c.-à-d. une relative augmentation récente du volume total de course et de la course en descente, mais c’est aussi un diagnostic d’exclusion. D’autres sources de la douleur latérale de genou devraient être exclues comme la douleur fémoro-patellaire, la tendinopathie glutéale, une douleur référée lombaire, et une fracture de stress de la partie distale du fémur. L’imagerie est typiquement prescrite pour exclure les autres pathologies et n’est pas particulièrement diagnostique de la douleur de l’ITB (6).

Le test de compression de Noble ou sa version modifiée est suggéré pour augmenter la probabilité d’un diagnostic exact de la douleur de l’ITB. Le test de compression modifié de Noble (figure 4) consiste à placer la hanche en extension pendant que l’examinateur met passivement en extension rotation interne le genou tout en comprimant sur 1-2 cm le condyle fémoral latéral sur sa partie proximale afin d’évaluer la présence d’une douleur (13). Les ratios de vraisemblance positif et négatif sont inconnus pour les deux versions du test de compression de Noble, les résultats sont donc à prendre avec des pincettes. En d’autres mots, fiez-vous à l’histoire du patient lorsque vous voulez éliminer les autres sources de douleurs possibles.

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Figure 4 : Test de compression de Noble modifié.

Le test de OBER est un très mauvais test pour juger de la ‘tension’ de l’ITB. Il est temps d’arrêter de le faire

Dans une étude récente sur des cadavres, le test de Ober, soit la version classique soit la version modifiée, n’a pas été affecté par la résection transversale (la coupure) de l’ITB (15). Ce qui a le plus contribué à un test d’Ober ‘positif’ était la capsule de la hanche suivi des muscles petits et moyens fessiers (15). Même si l’ITB est tendu, il n’est physiologiquement pas possible de l’étirer.

C’est surtout un problème de faiblesse de hanche, n’est-ce pas ? Heu… pas vraiment.

Une faiblesse de la hanche n’est pas un indicateur fiable de l’apparition d’une douleur de l’ITB, cependant les individus souffrant de douleurs de l’ITB ont une faiblesse de la hanche (14). Ce qui suggère que la douleur de l’ITB provoque une faiblesse de hanche mais pas l’inverse, comme il a aussi été proposé dans la douleur fémoro-patellaire (12). De manière assez intrigante, Fairclough et ses collègues postulent que la compression du tissu mou, richement innervé, se trouvant entre l’ITB et le condyle fémoral latéral provoque l’inhibition de la musculature proximale. Il en résulte une stratégie inadaptée visant à réduire les forces de compression agissant sur ce tissu mou (3). Toutefois, il n’en demeure pas moins que le renforcement de la hanche est une composante importante de la douleur de l’ITB, comme nous verrons dans la partie 2 de ce blog.

Dans la partie 2, nous discuterons des progressions de traitement et des recommandations concernant la reprise de la course chez un coureur souffrant de douleurs de l’ITB.

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