5 méthodes pour prendre en charge la fasciite plantaire

10 mins de lecture. Posté dans Cheville/pied
Un article de Luke Murray info

La fasciite plantaire (aussi appelée fasciapathie plantaire ou aponévrosite plantaire) est la pathologie liée à la surutilisation du pied la plus courante. Elle est caractérisée par une douleur au niveau du talon et de la voute plantaire. Habituellement, la douleur est plus importante lors des premiers pas au lever ou après une période de repos. Cette pathologie est plus courante chez les personnes sédentaires, mais elle peut représenter 8% des blessures liées à la course à pied (1).

Différentes interventions sont utilisées pour le traitement de la fasciite plantaire (FP). Que cela soit l’utilisation d’un rouleau de massage pour le fascia plantaire, l’achat d’orthèses, en passant par la perte de poids, toutes ces interventions sont vendues comme étant la solution au problème. Une revue systématique récente a entraîné quelques controverses sur les réseaux sociaux, car elle ne recommandait pas le recours à un renforcement progressif dans le programme de base pour le traitement de la FP en raison de l’absence d’études de haute qualité (2). Au lieu de cela, les étirements, le taping du pied et l’éducation étaient recommandés comme traitement de base, tout comme l’adaptation de la charge, les conseils relatifs au chaussage et la prise en charge de problématiques associées telles que l’IMC.

Le but de ce blog est de lever certaines confusions et présenter 5 méthodes permettant de prendre en charge la FP, se basant sur les revues de littérature de Physionetwork.

 

1. Renforcement

Passez un peu de temps sur Instagram et vous en conclurez probablement que le renforcement du fascia plantaire et des mollets est la réponse à la FP. L’explication habituelle est que la charge excède la capacité du fascia plantaire à faire face et cela entraîne une douleur. Par conséquent, augmenter sa capacité afin de tolérer plus de charge réduira la douleur avec le temps. Le renforcement est sans doute devenu populaire dans le traitement de la FP en raison des bénéfices dus au renforcement à charge élevée et vitesse lente (HSR) [heavy slow resistance] lors de tendinopathies et les similarités qu’il existe entre leurs présentations symptomatiques.

Dans une étude analysée par Tom Goom dans les revues de littérature de Physionetwork, 70 patients avec une FP ont été randomisés et assignés à un groupe réalisant un programme dosé par le patient de HSR ou à un groupe réalisant un programme prédéterminé de HSR. Les séances étaient réalisées un jour sur deux pendant 12 semaines, associées à de l’éducation et au port d’une talonnette. Le groupe avec le programme dosé par le patient a réalisé le plus de séries possibles, avec le plus de charge possible, mais moins lourd que leur 8RM (répétitions maximales). Le groupe ayant le programme prédéterminé a réalisé un protocole bien défini entre 12RM et 8RM.

Il n’y avait pas de différence statistiquement significative à 12 semaines entre les deux groupes pour aucun des critères de jugement. Quatre patients seulement ont connu une amélioration suffisante pour atteindre un niveau de symptômes acceptable. Cela ne signifie pas que le renforcement ne joue pas de rôle dans le traitement de la FP. Cela voudrait peut-être juste dire que votre patient marathonien et votre patient âgé et sédentaire n’auront pas besoin du même traitement (c.-à-d. soulever du poids). Lorsqu’il est utilisé en conjonction avec l’éducation, les étirements et le taping, le renforcement pourrait toujours être une intervention adaptée pour les individus qui aiment en faire ou qui veulent reprendre le sport.

 

2. Étirements

De manière traditionnelle, les étirements ont été recommandés comme stratégie de traitement pour la FP. Cela pourrait être dû à la diminution de la dorsiflexion de cheville qui est couramment observée dans cette population. Dans un article rédigé pour les revues de littérature de Physionetwork, Tom Goom a cherché à déterminer la relation entre la raideur des gastrocnémiens et la sévérité des symptômes dans la FP.

33 patients avec une FP ont réalisé 3×15 répétitions du protocole excentrique modifié d’Aldredson (genou maintenu en extension pour cibler les gastrocnémiens), deux fois par jour. On a aussi donné aux patients des chaussettes « Strassburg sock » (type d’orthèse à porter la nuit) ou une attelle de nuit si les symptômes étaient sévères, surtout le matin. Les critères de jugement incluaient l’EVA pour les douleurs lors des premiers pas le matin et les amplitudes de cheville. Ils ont été enregistrés lors du bilan initial, à 6 semaines, et à 3, 6 et 9 mois.

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Il y a eu une amélioration importante de la raideur des gastrocnémiens et de la douleur. On a aussi trouvé une forte corrélation statistiquement significative entre la raideur des gastrocnémiens et la sévérité des douleurs du talon.

Maintenant, si vous pensez ceci : « leur programme d’exercices n’était-il pas davantage un programme de mise en charge plutôt qu’un programme d’étirements ? »… eh bien, vous avez raison. Nous ne pouvons pas recommander le recours aux étirements statiques et dynamiques en nous basant sur un protocole qui a probablement contribué à allonger et renforcer aussi les gastrocnémiens. Néanmoins, la revue systématique recommande que les étirements soient « appliqués de manière universelle » pour tous les patients ayant une FP (2). Le type, la durée et la fréquence des étirements devraient être adaptés de manière individuelle.

 

3. Semelles

Les semelles génèrent beaucoup de débats concernant leur utilisation lors du traitement de la FP. Un podologue vous dirait peut-être qu’elles sont essentielles, alors qu’un kiné n’envisagerait même pas leur utilisation.

Dans une étude faisant l’objet d’une discussion dans cette revue de littérature rédigée par Ian Griffiths, les auteurs ont conduit un ECR en double aveugle comparant des semelles sur mesure aux soins habituellement proposés par les médecins généralistes chez 185 patients avec une FP. Les participants ont été randomisés en 3 groupes. Le groupe 1 a été référé vers un podologue pour réaliser des semelles sur mesure, le groupe 2 a été référé vers un podologue pour réaliser des semelles factices et le groupe 3 était celui recevant les soins habituellement proposés par le médecin généraliste (incluant les infiltrations de corticostéroïdes). Les 3 groupes ont reçu des informations concernant la FP en plus d’exercices d’étirement et de renforcement.

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Il est intéressant de noter qu’à 12 semaines, le groupe « médecin généraliste » a connu une amélioration supérieure comparativement au groupe « semelles sur mesure ». De plus, on n’a trouvé aucune différence significative entre les groupes « semelles sur mesure » et « semelles factices ».

Considérant les limites de l’étude (que vous pouvez consulter ici), il serait malavisé de ne jamais envisager l’utilisation de semelles pour les patients avec une FP. Comme cela a été suggéré par Morrissey et ses collègues (2021), les semelles sur mesure pourraient constituer un adjuvant au traitement après 4-6 semaines d’un traitement de base, tel qu’il est recommandé (éducation, étirements et taping) (2).

 

4. Chaussage

Le changement de chaussures constitue une méthode simple pour modifier les symptômes des patients ayant une FP. Cependant, il n’existe actuellement aucune preuve suggérant quels sont les meilleurs modèles de chaussures pour aider à diminuer les symptômes. Dans cette revue de littérature, Ian Griffiths a exploré un article cherchant à déterminer si l’utilisation de chaussures maximalistes pour la course à pied pouvait être intégrée dans le protocole de prise en charge de la FP et si cela avait un impact mesurable comparativement à des chaussures de course à pied classiques.

38 patients ayant des douleurs unilatérales au talon depuis 1 à 6 mois et un épaississement (confirmé par une échographie) du fascia plantaire ont été recrutés et ont participé à cette étude. Les patients ont été assignés de manière aléatoire au groupe « chaussures maximalistes » (plus amortissantes grâce à l’épaisseur plus importante de la semelle intermédiaire) ou au groupe « chaussures standard ». Tous les participants ont aussi reçu des conseils concernant les étirements, l’attelle de nuit, l’eau glacée et les anti-inflammatoires non stéroïdiens pour 10-14 jours. L’étude a duré 12 semaines et une échographie ainsi qu’une mesure de l’EVA ont été réalisées après l’étude.

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Il y a eu une diminution de la moyenne de l’épaisseur du fascia plantaire chez les deux groupes, « maximalistes » et « standard », mais elle n’était pas statistiquement significative. Cependant, une différence statistiquement significative a été observée entre les groupes : le groupe « maximaliste » a eu une plus grande diminution de la douleur comparativement au groupe « standard ».

Faire des recommandations spécifiques relatives au design idéal des chaussures reste incertain. Cependant, d’après cette étude, il semblerait que prendre en compte le chaussage constitue toujours un outil utile pour modifier les symptômes. Cette étude comportait plusieurs limites, que vous pouvez consulter ici.

 

5. Infiltrations

Les infiltrations de corticostéroïdes (ICS) ont été utilisées pour traiter les FP malgré le risque accru de rupture du fascia plantaire. Dans les revues de littératures de Physionetwork, Tom Goom a exploré une étude visant à évaluer l’effet du traitement des ICS, du renforcement et d’une combinaison des deux.

Les auteurs ont recruté 90 participants qui ont été assignés de manière aléatoire à un des trois groupes. Le groupe « ICS » a reçu une infiltration par mois jusqu’à ce que l’épaisseur du fascia plantaire soit inférieure à 4 mm. Le groupe « renforcement » a réalisé des montées sur la pointe des pieds, des contractions résistées (incluant la flexion du gros orteil et l’inversion de cheville) ainsi que des étirements du mollet et du fascia plantaire. Le troisième groupe a réalisé une combinaison des deux.

L’index fonctionnel du pied [Foot Function Index], la douleur lors du premier pas le matin et la douleur moyenne durant la fonction ont été évalués initialement et à 3, 6, 12 et 24 mois. Il y a eu des améliorations significatives à 6 semaines concernant la douleur durant la fonction et l’index fonctionnel du pied, la plus forte amélioration ayant été observée dans le groupe combinant les deux traitements. Les auteurs ont conclu que les ICS et le renforcement constituent le meilleur traitement pour la FP, malgré des preuves dont la qualité globale est faible. Il serait avisé d’envisager le recours aux infiltrations comme une option tardive, dans le cas où les symptômes ne diminueraient pas avec le traitement de base décrit par Morrissey et ses collègues (2).

Pour résumer

Ce blog a présenté 5 méthodes pour prendre en charge la FP. D’autres éléments considérés comme étant importants à envisager dans le traitement de la FP mais qui ne sont pas abordés ici incluent le taping, la perte de poids, l’éducation et la modification des activités. Nous réaliserons peut-être une deuxième partie dans laquelle nous explorerons cela !

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